Morts inattendues du nourrisson

Mieux diffuser les messages de prévention

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Publié le 09/11/2017
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En France, les morts inattendues des nourrissons (MIN), définies comme le décès subit d’en enfant âgé d’un mois à un an, jusque-là bien portant, sont à l’origine de 400 à 500 décès par an (soit une incidence de 0,4/1 000 naissances). Plus d’une fois sur deux, il s’agit d’une mort subite du nourrisson (MSN), c’est-à-dire d’une MIN non expliquée au terme du bilan étiologique exhaustif. Les MSN représentent la première cause de mortalité infantile, la France étant un des pays d’Europe les plus touchés.

Observatoire français

Le manque de données françaises a conduit à mettre en place, en mai 2015, un observatoire sur les MIN, élargi à tous les décès subits chez des enfants de moins de deux ans. 35 des 36 centres référents MIN, qui accueillent les familles touchées, y participent, en recueillant de manière sécurisée des données épidémiologiques, socio-environnementales, pharmacologiques, cliniques et paracliniques concernant les enfants décédés.

Depuis mai 2015, plus de 400 décès ont été notifiés, et des premières données complètes portent sur quelque 265 enfants. 91 % avaient moins de 12 mois, avec un âge médian de 3,5 mois, les garçons étant un peu plus nombreux (sex ratio de 1,2), ce qui est comparable aux données de la littérature internationale.

« Il n’y a pas d’évolution par rapport aux données publiées par l’Institut de veille sanitaire en 2011, et qui portaient sur les cas survenus entre 2007 et 2009 dans 17 départements (1), déplore la Dr Karine Levieux, coordinatrice médicale de l’Observatoire national des MIN, à Nantes. Notamment, il n’y a pas eu d’amélioration des modalités de couchage, qui restent le plus souvent non conformes aux recommandations américaines (APS, [2]) : au moment du décès, 29 % des enfants étaient couchés soit en décubitus ventral soit latéral, presque un enfant sur 5 (18 %) était couché dans un lit adulte, seulement 30 % étaient couchés dans un lit à barreaux, et dans 40 % des cas on retrouvait la présence de plusieurs objets dans le lit (couverture, couette, peluches, tour de lit…). Autre facteur de risque : le tabagisme anténatal et postnatal, qui concernait 30 à 35 % des nourrissons décédés ».

Modèle du triple risque

Lorsqu’une cause organique a été retrouvée lors du bilan étiologique, il s’agissait le plus souvent d’un problème infectieux. Un quart des cas sont restés inexpliqués. « Malgré l’amélioration des connaissances actuelles, aucune étiologie n’a actuellement été formellement identifiée ; 90 % des décès interviennent avant les six mois de l’enfant (les 1 à 4 mois étant les plus exposés) et la MSN est, depuis plusieurs années, considérée comme d’origine plurifactorielle », explique la Dr Levieux.

Le modèle du triple risque considère que la MSN survient chez un enfant vulnérable (prématuré, petit poids de naissance…), à une période critique de son développement neurologique, respiratoire et cardiaque (1 à 4 mois), exposé à des facteurs de stress extérieurs (décubitus ventral ou latéral, tabagisme passif, couchage sur une surface inadaptée, objets dans le lit, infections…). Ces 3 facteurs associés constituent une situation à risque majeure pour l’enfant. « La prévention demeure donc actuellement le meilleur moyen de réduire le nombre de décès, dont un certain nombre pourrait probablement être évité si les modalités de couchage recommandées étaient respectées. Il est donc important de mieux diffuser les recommandations de l’APS et d’avoir un discours simple et unique, ce qui n’est pas toujours le cas », conclut la Dr Levieux.

D’après un entretien avec la Dr Karine Levieux, coordinatrice médicale de l’Observatoire national des MIN (Nantes)
(1) Bloch J et al. INVS. http://www.invs.sante.fr/publications/2011/morts_nourrissons
(2) Moon RY et al. Pediatrics. 2016 Nov;138(5)

Dr Isabelle Hoppenot
MSN

Source : Bilan Spécialiste