Molière a-t-il eu à se plaindre de la médecine ? En d’autres termes, a-t-il souffert des ordonnances d’un Purgon quelconque ? Existe-t-il des documents prouvant que l’on a fait de lui une « vache à lait », suivant sa propre expression ? Et quel ou quels médecins lui ont fait subir ces tourments ? Grimarest prétend qu’il se servait rarement d’eux et n’avait jamais été soigné ; lui-même déclare au roi qu’il ne prend pas de remèdes. Mais, d’autre part, Donneau de Visé écrit qu’il n’était pas convaincu de tout ce qu’il disait contre les médecins et qu’il se fit soigner pendant une oppression quatre fois en un seul jour.
M. Larroumet avance (« La Comédie de Molière») que le célèbre auteur avait un compte de 187 livres chez deux apothicaires, Frapier et Depré, et s’appuie là-dessus pour laisser entendre que Molière avait été drogué ; mais, comme on l’a fait judicieusement remarquer, il n’est pas dit, dans l’«Inventaire» publié par Eudore Soulié (« Recherches sur Molière ») sur lequel M. Larroumet s’appuie que les 191 livres 10 sols dus aux apothicaires précités le fussent pour des médicaments personnels à Molière.
On a dû alors évoquer d’autres raisons pour expliquer l’animosité de Molière contre la médecine.
« On a prétendu, écrit Maurice Reynaud (« Les Médecins au temps de Molière »), que toute sa haine contre la médecine venait d’une querelle de ménage que sa femme aurait eue avec celle d’un médecin son voisin. » « Pour ne laisser aucun doute, dit un écrivain presque contemporain de l’auteur du « Médecin malgré lui », François Bernier, il faut apprendre au peuple, aux demi-savants et aux adorateurs de la comédie que Molière n’a fait monter la médecine en spectacle de raillerie sur le théâtre que par intérêt et pour se venger contre une famille de médecins, sans se mettre fort en peine des règles du théâtre, et particulièrement celles de la vraisemblance ; car de toutes les pièces dont ce comédien a outré les caractères, ce qui lui est souvent arrivé, et qu’on ne voit guère dans l’ancienne comédie, celles où il joue les médecins sont incomparablement plus outrées que les autres ; mais, comme il faut être maître de soi pour s’en apercevoir, ceux qui cherchent à rire ne pensent qu’à rire, sans se mettre en peine s’ils rient à propos. »
Quelle est donc cette mystérieuse affaire ? Je la trouve contée avec détail, cette fois du vivant même de Molière, dans un écrit dont le titre a été quelquefois cité par les éditeurs, sans qu’aucun d’eux se soit avisé de le consulter. C’est une comédie intitulée : « Elomire hypochondre ou les Médecins vengés », par le sieur Le Boullanger de Chalussay ; satire violente et cruelle contre Molière, dont Elomire est ici l’anagramme…
Ainsi, toute la guerre faite aux médecins par notre premier comique se réduirait aux mesquines proportions d’une rancune de locataire contre un propriétaire qui a augmenté son terme ! Cette rancune aurait été poussée au point de le rendre malade ! C’est à de pareils motifs que nous devrions tant de chefs-d’œuvre ! Je ne ferai point à Molière l’injure de discuter cette proposition. Mais n’est-il pas plus vraisemblable que Molière ait voulu tourner en dérision les coutumes médicales de son époque si bizarres et si surannées …
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