Le plus prestigieux des médecins byzantins, dont le frère aîné n'était autre était l'architecte Anthémios qui édifia la mythique basilique Sainte-Sophie à Constantinople à la demande de l'empereur Justinien, est né en Asie mineure, à Lydie, non loin d'Ephèse. Son père, Étienne (Stéphanos) était lui aussi médecin. Après avoir étudié la médecine à Thèbes et à Alexandrie, il devint médecin en chef des armées de Justinien Ier, surnommé le "périodeute" pour avoir sillonné tous les pays du pourtour méditerranéen au cours des campagnes de l'empereur. Il partagea ensuite son temps entre Byzance et Rome où il s'établit en 554 à la fin de la guerre contre les Ostrogoths.
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Un grand cours de médecine en douze livres
Jouissant d'une extraordinaire renommée, les patients accouraient de tous les coins de l'Empire pour être soignés par ce clinicien remarquable. Ce n'est qu'à la fin de sa vie qu'il se résolut à écrire son grand cours de médecine en douze livres (Θeραπeυτικ ?), désireux de transmettre "ce qu'une longue pratique des maladies des hommes avait fourni à son expérience".
Les douze parties de son grand œuvre se décomposent ainsi : I. les maladies de la tête (dont l'alopécie, la migraine et la léthargie) ; II. les maladies des yeux ; III. les maladies de la bouche et les ulcères ; IV. les troubles cardiaques ; V. les maladies des poumons ; VI. la pleurésie ; VII. les problèmes d'estomac ; VIII. les maladies intestinales ; IX. les maladies du foie ; X. la dysenterie et l'hydropisie ; XI. les problèmes génitaux et urinaires ; XII. la goutte.
Un traité d’un style résolument moderne
Dans un style remarquablement clair et original pour l'époque, Alexandre de Tralles décrit exhaustivement toutes les maladies, décrivant leurs divers stades et proposant pour chacune d'elle un traitement. Il évoque ainsi la peste bubonique (qui fit 10 000 morts en un seul jour à Byzance en 543 avant d'atteindre Rome en 590), la fièvre paludéenne et les affections neuro-psychiques, oculaires et gastro-intestinales. Son approche de la pleurésie, notamment,est magistrale, donnant pour cette affection les recettes d'environ 600 médicaments accompagnées de dosages précis.
La notice sur l'abcès du foie d'origine dysentérique est un autre exemple de la précision et de la concision dont faisait preuve Alexandre de Tralles dont le talent d'écriture le mettait bien au-dessus des compilateurs de l'époque : "Il y a de la fièvre, une expectoration souvent couleur rouille, une sensation de tiraillement au niveau de la clavicule, une toux diaphragmatique qui provoque plutôt un sentiment de pesanteur hépatique qu'une douleur. Mais lorsque l'inflammation occupe les enveloppes et les vaisseaux environnants, elle détermine une douleur plus vive."
[[asset:image:6566 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Dans son traité Sur les vers intestinaux, il distingue les principales espèces de vers et recommande des vermifuges très efficaces. Alexandre de Tralles fait la différence entre les ascaris, les oxyures qu'il attaque par des lavements d'huile éthérée, et les ténias qu'il combat déjà par la graine de grenadier ou de courge, la fougère et l'huile de ricin qui apparaissent encore aujourd'hui dans la composition de certains médicaments antihelminthiques.
Préconisant l'exercice physique, les règles d'hygiène, une alimentation équilibrée (affirmant haut et fort que "l'alimentation est la première et la plus importante partie du traitement de toutes les maladies"), les cures marines, les soins esthétiques, Alexandre de Tralles sait quand il prescrit des médications faire la part de leurs bienfaits et de leurs inconvénients potentiels. Par exemple, lorsqu'il évoque les médications opiacées à donner aux malades atteints d'affections pulmonaires, il prend soins d'insister : "Elles risquent de tuer les sujets très faibles ou ceux dont la poitrine renferme une quantité excessive de matières à rejeter. Si leur action semble calmer la toux et amener le sommeil, elle augmente en réalité l'embarras thoracique, de sorte que beaucoup de malades sont asphyxiés comme avec un lacet".
Le " médecin par excellence "
Méditons enfin ces quelques phrases d'Alexandre de Tralles où il exprime toute l'honnêteté scientifique dont il fit preuve toute sa vie, dans sa pratique comme dans ses écrits : "Par cela même qu'on est homme, il est difficile de ne pas se tromper. Aussi n'aurais-je jamais parlé comme je l'ai fait d'un aussi grand savant, Galien, si la vérité même ne m'avait donné ce courage et si le silence ne m'eût paru impie. Un médecin qui garde en lui-même, sans le dire, ce qui lui semble vrai, commet une grande injustice, une véritable impiété ; il se précipite de lui-même et sans rémission dans la plus grave des erreurs. Le devoir est d'agir comme le dit Aristote. Platon est mon ami, mais la vérité aussi est mon amie. S'il me faut choisir entre les deux, j'opte pour la vérité".
[[asset:image:6571 {"mode":"small","align":"center","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Alexandre de Tralles mourut à l'âge de 80 ans entouré de ses nombreux disciples. Son œuvre traduite tout au long du Moyen âge en arabe et en latin, fut imprimée en France, chez Robert Estienne, en 1538.
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