Pionnier de la recherche fondamentale en physiologie, François Magendie nait le 6 octobre 1783 à Bordeaux. Ses parents, Antoine Magendie – un chirurgien républicain – et sa mère, Nicole de Perey de Launay, admirateurs de Jean-Jacques Rousseau s’occupent de son éducation de manière plutôt libérale si bien qu’à l’âge de dix ans, il ne sait toujours ni lire ni écrire.
En 1791, en pleine Révolution, la famille monte à Paris et alors que son père abandonne vite la médecine au profit de la politique, François rentre à l’école élémentaire où il se fait rapidement remarquer pour son intelligence. A seize ans, alors qu’il est trop jeune pour rentrer à l’Ecole de Santé, il est pris en charge par un ami de son père, le chirurgien Alexis de Boyer qui officie à l’Hôtel-Dieu et qui va l’initier à l’anatomie en général et à l’art de la dissection en particulier. Très tôt, il est reçu interne des hôpitaux lors de son premier concours (17 floréal de l'an XI, c'est-à-dire le 27 avril 1803). Il mène alors de front des études d'anatomie et des études littéraires, se passionnant pour l’étude du latin.
Assistant en anatomie à l'École de médecine où il donne des cours de physiologie et d’anatomie, Magendie obtient son titre de Docteur en médecine en 1808, abordant dans sa thèse deux sujets distincts : la fracture des côtes et les usages du voile du palais.
Magendie va dès lors se battre pour faire entrer la biologie dans le champ des sciences exactes, proclamant vouloir jeter de nouvelles bases de cette science naissante encore mal définie. Dès ses premières publications, il s'oppose au vitalisme défendu par Bichat.
[[asset:image:2926 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Les premiers grands travaux de Magendie vont porter sur la toxicologie expérimentale. C'est ainsi qu'il étudia en 1809 l'effet d'un redoutable poison javanais extrait de la noix vomique: la strychnine, isolée par Pelletier et Caventon en 1818. Il montra que les convulsions provoquées par cet alcaloïde sont dues à sa fixation tétanisante sur la moelle épinière. Ces recherches furent reprises et confirmées peu après par Milne-Edwards.
La physiologie nerveuse comme cheval de bataille
Après son internat, Magendie occupe une place de prosecteur à l'École de médecine de Paris jusqu'en 1813. Auditeur assidu de l'Académie des sciences, il assiste aux communications de Laplace. Dans cette période troublée, il est exempté du service militaire par décret impérial du 20 janvier 1814. A partir de cette date, après avoir envisagé le mode de formation de l'image rétinienne, le mécanisme du vomissement et la fonction de l'œsophage, Magendie va faire de la physiologie nerveuse son cheval de bataille. Il fait alors la première démonstration expérimentale de la différence entre les nerfs moteurs et les nerfs sensitifs. Il précise ainsi les découvertes faites par le chirurgien écossais Charles Bell qui, en 1811, avait montré le rôle moteur des racines rachidiennes antérieures. Il fait ainsi la distinction entre racines motrices et racines sensitives des nerfs rachidiens, les premières conduisant les influx moteurs activant les muscles, les secondes véhiculant les messages sensitifs des récepteurs de la peau et des muscles. Quatre ans plus tard, en 1818 Magendie va s’attacher aussi à étudier la formation et du rôle du liquide céphalo-rachidien, qui fut complétée plus tard par Luschka.
Les bases de la physiologie cellulaire
En 1818 Magendie est nommé au Bureau Central des Hôpitaux de Paris, période où il va poser les bases de la physiologie cellulaire. Il va ainsi concevoir par anticipation la notion de carences alimentaires : il a en effet observé que les substances albuminoïdes sont indispensables à la nutrition mais que certaines d'entre elles, comme la gélatine, sont néanmoins insuffisantes à assurer les fonctions vitales lorsqu'elles sont absorbées isolément.
[[asset:image:2931 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Après avoir créé en 1821 le premier journal consacré exclusivement à la physiologie, le « Journal de physiologie expérimentale », Magendie est reçu à l’Académie des sciences en 1821. En 1826, il obtient la direction du service des femmes à l'Hôtel-Dieu où il a pour collègues Dupuytren et Récamier. Nommé professeur au Collège de France en 1830, il a comme préparateur, à partir de 1841, Claude Bernard.
Dans ses Leçons sur le sang, publiées en 1838, Magendie proclame la nécessité d'utiliser toutes les ressources de la science en plein essor : « Un médecin qui n'a pas appelé à son aide la chimie, la physique, qui ne s'est pas livré à l'art difficile des expériences sur les animaux, etc. - et beucoup sont dans ce cas - ce médecin, dis-je, ne voit souvent dans une réunion de malades que des gens plus ou moins souffrants, des moribonds, des convalescents. »
Des erreurs qui seront difficilement pardonnées à Magendie
Mais si Magendie fit faire à la physiologie expérimentale des progrès extraordinaires, il fut aussi l’objet de nombreuses controverses et certaines de ses erreurs furent difficilement pardonnées à cet homme vaniteux et agressif. Ainsi, il fut vilipendé pour son opposition à la vivisection, à l'anesthésie et à l'utilisation du microscope ; pour sa négation du caractère contagieux du choléra et de la fièvre jaune ou encore, pour l'utilisation de substances nouvelles sur les malades de l'hôtel-Dieu de Paris ; André Lemaire put ainsi écrire de lui : « Ces jugements téméraires, ces affirmations puériles, étonnent chez un homme qui semble avoir fait de la rigueur expérimentale le règle de sa vie. »
Violemment critiqué par Anatole France
Quant aux « Expériences pour voir » de Magendie, elles entraîneront une critique acerbe d'Anatole France, en comparaison du naturalisme littéraire qui mène droit à l'« imbécillité flamboyante » : « un physiologiste fort connu dans l'histoire des sciences, le bonhomme Magendie, expérimenta beaucoup sans aucun profit. Il redoutait les hypothèses comme des causes d'erreur. Bichat avait du génie, disait-il, et il s'est trompé. Magendie ne voulait pas avoir de génie de peur de se tromper aussi. Or, il n'eut point de génie et ne se trompa jamais. Il ouvrait tous les jours des chiens et des lapins, mais sans aucune idée préconçue, et il n'y trouva rien, pour la raison qu'il n'y cherchait rien. Cela c'est le naturalisme dans l'ordre scientifique. Claude Bernard, qui succéda à Magendie, rendit ses droits à l'hypothèse et fit de vastes découvertes... ».
François Magendie est mort le 7 octobre 1855 à Sannois dans le Val d'Oise d’une cardiopathie ischémique. Il est enterré à Paris au cimetière du Père Lachaise.
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