C’est arrivé le 2 juin 1948

Mort de Karl Brandt, le médecin d’escorte d’Hitler

Publié le 02/06/2015

Crédit photo : GARO/PHANIE

C’est à Mulhouse, alors en territoire allemand, où son père était commissaire de police, que Karl Brandt est né le 8 janvier 1904. Après que sa famille ait quitté l’Alsace en 1919 et qu’il ait passé son Abitur, il commence des études de médecine à Dresde puis les poursuit à Iéna, Berlin et Fribourg-en-Brigsau. En 1928, il obtient son doctorat après avoir fait une spécialisation sur les traumatismes crâniens à Bochum.

Brandt songe alors à rejoindre Albert Schweitzer qui vient de créer son fameux dispensaire à Lambaréné, au Gabon, mais il doit renoncer à ce projet n’ayant pas opté pour la citoyenneté française quand il a quitté l’Alsace.

Quand le destin fait croiser à Brandt la route du Führer..

Le destin de Brandt va basculer un jour du printemps 1933 où, roulant en voiture avec sa fiancée Anna Rehborn, il se retrouve derrière la Mercedes d’Hitler qui se rendait au Berghof. La route est sinueuse et le chauffeur du führer perd le contrôle de la voiture dans un virage. Hitler sort indemne de l’accident au contraire du chef de sa garde personnelle, Wilhelm Brückner, qui est gravement blessé à la tête. Mais en lui prodiguant les premiers soins, Brandt lui sauve la vie. Reconnaissant, Brückner intercède l’année suivante auprès d’Hitler pour que celui-ci prenne Brandt comme médecin personnel. Le Führer accèder d’autant plus volontiers à cette requête que Brandt est un nazi de la première heure ayant adhéré au parti national-socialiste et à la Ligue national-socialiste des médecins dès 1932.

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Promu Sturmbannführer dans la SS en 1937, Brandt est chargé début 1939 de superviser le « Gnadentot » d’enfants handicapés et de diriger avec Philipp Bouhler, le chef de la chancellerie, l’exécution du programme d’euthanasie. Le 14 juillet 1933 Hitler avait déjà publié une loi sur la stérilisation des handicapés mentaux qui n’avait alors rencontré que les critiques du clergé. Le décret secret du 1er septembre 1939 va encore plus loin dans l’horreur. Le texte prescrit non plus de stériliser mais de mettre à mort les handicapés ainsi que les marginaux et les dépressifs ! Le prétexte est de libérer des lits d'hôpitaux pour les futurs blessés de guerre alors que la guerre vient d’être déclarée.

Brandt et Bouhler vont alors débuter leur sinistre activité au n°4 de la Tiergartenstrasse, à Berlin, d'où le nom de code « Aktion T4 ». Les fonctionnaires du T4 expérimentent différents moyens d’extermination dont le poison avant de découvrir le gaz. Dans un premier temps, ils enferment leurs victimes dans un local et y injectent les gaz d'échappement d'un camion. Très vite, le procédé se perfectionne. En janvier 1940, une quinzaine de malheureux sont conduits dans une fausse douche et asphyxiés au monoxyde de carbone. Les cadavres sont ensuite incinérés. Leurs familles sont avisées par lettre de la mort accidentelle de leur parent et invitées à récupérer les cendres.

La courageuse opposition du « lion de Münster »

Cette opération qui devait rester secrète ne le resta pas bien longtemps, mais une fois encore seules les autorités religieuses osèrent s’élever contre le Führer. Monseigneur Von Galen est alors surnommé le « Lion de Münster », principal opposant de l'Église d'Allemagne au Troisième Reich, et s’attire les foudres des nazis après une série d’homélies contre l'euthanasie des invalides, les attaques à l'encontre de l'Église et les atteintes aux droits de l'Homme : « C’est une doctrine effrayante que celle qui cherche à justifier le meurtre d’innocents, qui autorise l’extermination de ceux qui ne sont plus capables de travailler, des infirmes, de ceux qui ont sombré dans la stérilité... N’a-t-on le droit de vivre qu’aussi longtemps que nous sommes productifs ?  »

L’évêque catholique de Berlin condamne lui aussi le décret scélérat de Hitler dénonçant en chaire « les meurtres baptisés euthanasie ». Hitler songera à faire tuer Mgr Von Galen, mais Goebbels l’en dissuadera pour éviter de rentrer en conflit avec les chrétiens. Finalement, le 24 août 1941, le Führer décide de suspendre l’opération « Aktion T4 ». Mais, déjà, près de 100 000 handicapés ont été assassinés en moins de deux ans...

Pendant ce temps, l’étoile de Brandt ne cesse de monter. Il cumule les grades et les charges de SS-Brigadeführer, lieutenant général de la Waffen-SS et de commissaire général pour la Santé et les Affaires sanitaires. Il participe à la fin de 1941 à un programme d'expérimentation humaine, aux côtés du psychiatre Werner Heyde et d'autres médecins.

Le 17 août 1942, Brandt est nommé commissaire plénipotentiaire du Reich pour la santé, dépendant directement d’Adolf Hitler. Il est responsable des moyens matériels médicaux pour tout le Reich, des programmes d’euthanasie et des expérimentations médicales réalisées dans les camps de concentration.

Le 25 août 1944, Brandt est nommé délégué du Reich pour le service de santé, ce qui entraîne de nombreux conflits avec Leonardo Conti, Führer de la santé du Reich. Le 20 avril 1944 il est promu Gruppenführer SS et Lieutenant général des Waffen SS. Ami de Speer, il est mal vu de Bormann et est révoqué en octobre 1944 de sa fonction de médecin d’escorte.

Principal accusé du « procès des médecins » à Nuremberg

Le 21 novembre 1944 il est envoyé, sur ordre d’Himmler au fort Ney de Strasbourg pour demander à la garnison, alors que la ville vient d’être reprise par Leclerc, de tenir le choc en attendant la contre-offensive des troupes SS. Le 16 avril 1945, il est arrêté sur ordre de Hitler, accusé d’avoir fait quitter Berlin à sa femme et de l’avoir envoyée à l’Ouest. Le 17, une cour SS le condamne à mort. Speer parvient à faire différer l’exécution et à obtenir, après la mort de Hitler, de l’amiral Dönitz qu’il le gracie.

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Mais il est presque aussitôt arrêté à Flensburg par les Alliés et inculpé de « crimes contre l’humanité », il est le principal accusé du « procès des médecins » de Nuremberg où comparaissent vingt médecins ayant participé aux exactions nazies. Condamné à mort , il est exécuté par pendaison à la prison de Landsberg le 2 juin 1948.


Source : lequotidiendumedecin.fr