De notre envoyé spécial
L ES chiffres précis manquent, mais on estime à plus de 800 000, dont 160 000 enfants, le nombre de morts sur les routes dans le monde en 1999, soit un décès toutes les trente secondes. Dans tous les pays, on observe sur la durée une hausse de cette mortalité, même si, dans certains cas, une baisse peut être enregistrée ponctuellement. En 1988, les accidents de la route étaient la huitième cause de mortalité prématurée. Dans la tranche des 15 à 44 ans, c'est déjà la première cause de mortalité, et, dans les dix à quinze ans à venir, ils représenteront la troisième cause de perte d'espérance de vie si la communauté médicale, et tout particulièrement orthopédique, ne s'investit pas dans un effort de prévention sans précédent.
De surcroît, l'incidence croissante de mortalité n'est que la partie émergée de l'iceberg épidémiologique : les chiffres de la prévalence des invalidités induites par les accidents sont quatre ou cinq fois plus importants. Certaines de ces invalidités ne seront que temporaires, mais le nombre d'invalidités permanentes lourdes est presque équivalent à celui de la mortalité.
Une consommation massive de ressources
Outre la tragédie individuelle et familiale que représente la mortalité routière, le coût économique pour la collectivité est considérable ; il est estimé à quelque 500 milliards de dollars. Une question d'autant plus préoccupante que la part supportée par les pays en voie de développement est supérieure à l'aide reçue de la communauté internationale pour favoriser ce même développement. C'est une des raisons pour lesquelles les pays avancés devraient réaliser des actions de prévention en direction de ces populations dans le domaine de l'accidentologie routière, aussi bien qu'en infectiologie ou en nutrition.
Des différences notables sont observées dans la répartition géographique de cette épidémie oubliée. Dans les pays avancés (appelés « hautement motorisés »), la circulation se fait sur le mode segmentaire (interdisant l'accès au réseau autoroutier des piétons et des bicyclettes), alors que, dans les pays « sous-motorisés », la circulation se fait sur un mode dit hétérogène, avec une extrême vulnérabilité des piétons et des deux-roues.
L'analyse des données étiologiques fait apparaître l'imprégnation alcoolique et/ou toxique comme un coupable majeur dans l'annulation des effets des mesures préventives introduites sous la pression des orthopédistes (ceinture de sécurité, airbag, port du casque chez les cyclistes, etc.) dans les pays avancés.
Renforcer la recherche
La communauté médicale, et surtout orthopédique, doit multiplier ses efforts en direction des autorités sanitaires pour renforcer la recherche épidémiologique dans ce domaine et promouvoir un effort multidisciplinaire de contrôle de cette épidémie après l'avoir mieux cernée.
Certaines actions préventives collectives ont été mises en œuvre dans des pays comme le Brésil pour faire prendre conscience au public de ce qui a été baptisé « la mortalité stupide ». Plus que de stupidité, il convient de parler d'ignorance : il existe une double ignorance, d'une part, de la réalité médicale de cette épidémie, faute de chiffres bien analysés, et, d'autre part, d'une méthode préventive bien coordonnée. Les ministères de la Santé doivent s'y atteler au même titre que ceux des transports avec une recherche mieux orientée médicalement, suivie de recommandations correctives au fur et à mesure de la reconnaissance des éléments qui peuvent être corrigés.
En mettant l'accent une fois de plus sur un problème de santé publique insuffisamment reconnu, l'Académie américaine des chirurgiens orthopédiques, en conjonction avec la décennie des os et des articulations (Bone and Joint Decade), fait avancer la prise en charge d'une source confirmée de pathologie de l'appareil locomoteur.
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