Après avoir consacré la première partie de sa vie à la médecine et à la chimie, Alfred Naquet s’est entièrement consacré à la politique. Devenu député du Vaucluse, il s’est notamment illustré comme étant le promoteur du divorce judiciaire.
Disciple de Bakounine
Originaire d’une riche famille juive de Carpentras, Alfred Naquet, après avoir obtenu son doctorat de médecine, enseigne la chimie organique à la faculté de médecine de Paris. Il publie alors plusieurs ouvrages dont « De l’allotropie et de l’isomérie » paru chez Baillière en 1863. Mais, déjà, il a le virus de la politique, ce qui lui vaut d’être emprisonné en 1867 pour délit de société secrète. Ses idées sont proches de celles de Bakounine et quand ce dernier crée en septembre 1868 l'Alliance internationale de la démocratie socialiste, il en devient membre aux côtés, notamment, des frères Reclus, de Jules Guesde, de Benoît Malon et de Ferdinand Buisson, L’Alliance professait l'abolition définitive et entière des classes et l'égalité politique, économique et sociale entre les deux sexes. Elle exigeait aussi que tous les États politiques et autoritaires existants disparaissent dans l'union universelle des libres fédérations, tant agricoles qu'industrielles.
[[asset:image:2916 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":["Fusain d\u0027Alexandrovitch"]}]]A nouveau poursuivi pour ses idées extémistes, Naquet doit s’exiler en Espagne. À son retour, il est élu député du Vaucluse en 1871, poste qu’il conservera jusqu’en 1883, date à laquelle il devient sénateur du Vaucluse.
Sa loi sur le divorce est adoptée en 1884
En 1875, profitant du vent de liberté qui souffle alors, le député Alfred Naquet dépose plusieurs propositions de loi dans le sens du divorce pour faute, dans le but de rétablir celui-ci qui avait été autorisé par les autorités révolutionnaires en 1792. Sa troisième tentative, le 26 mai 1884, est la bonne. Lors d’un débat houleux où les députés faillirent en venir aux mains et où la tradition catholique s’opposa l'esprit anti-Christ des « Lumières », la proposition de loi de Naquet sur le divorce estadoptée par 355 voix contre 115. Voté par la gauche et le centre-gauche, le texte est ensuite tdéfinitivement adopté par le Sénat le 27 juillet 1884.
Cette loi n’établit cependant pas le divorce par consentement mutuel ou pour incompatibilité d'humeur. Seuls des sévices, des injures graves ou la condamnation à une peine addictive ou infamante rendant intolérable le lien du mariage étaient considérés comme des raisons nécessaires et suffisantes pour que le mari ou la femme puisse demander le divorce. La preuve de la faute était donc indispensable. Le divorce était alors prononcé soit aux torts exclusifs, soit aux torts partagés. L'« innocent » pouvait prétendre à une pension et à s'occuper des enfants.
L’adoption de cette loi ne se fit pas sans tumulte, considéré comme trop libératrice pour la femme, notamment dans le monde de la magistrature où les démissions vont se multiplier. Au final, cette loi va pourtant réglementer le divorce pendant presque cent ans …
En 1883, Naquet est nommé sénateur du Vaucluse et, curieusement cet israélite mystique, socialiste et, surtout, républicain va y devenir l’un des principaux protagonistes du parti boulangiste. Curieux parti qui réunit aussi bien des républicains révisionnistes, radicaux pour la plupart, et des bonapartistes et des monarchistes désireux de renverser la République.
Bien que le parti renferme en son sein de nombreux antisémites dont Maurice Barrès, Alfred Naquet, devenu conseiller politique du général Boulanger en exclut la propagande antisémite d'Édouard Drumont Ayant incité Boulanger à faire un « coup de force », Naquet se fait finalement exclure du groupe de sénateurs de l'extrême-gauche.
En 1889, Naquet est élu député boulangiste, représentant de l'aile gauche boulangiste. Réélu en 1890, il réclame en vain la révision de la Constitution avant de s’exiler en Angleterre. De Londres, il supplie en vain Boulanger de se constituer prisonnier, croyant que ce geste pourrait ranimer la flamme boulangiste. Rentré en France en mai 1895, Naquet se signale par un puissant discours dénonçant l'incohérence de l'antisémitisme où il défend « la fusion » des Juifs « dans la grande masse des citoyens français ».
[[asset:image:2921 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Après avoir été impliqué dans le scandale du canal de Panama, Naquet sort blanchi de son procès mais il abandonne la politique... Devenu la cible des antisémites et des caricaturistes qui le représentent souvent en Quasimodo, Naquet préfère se réfugier dans la rédaction d’ouvrages de chimie. Léon Daudet en fait l'une de ses cibles de prédilection lorsqu'il est question de défendre la famille et la patrie, conformément au « nationalisme intégral » prôné par l'Action française. Les milieux catholiques et traditionalistes, qui tirent prétexte de ses origines juives, de son implication dans l'affaire de Panama et de ses liens avec les anarchistes n’hésitent pas alors à l’accuser de conspiration. Les antisémites s'en prennent à lui comme auteur de la loi sur le divorce et le surnommant « l'ange du divorce et le démon du mariage ».
Alfred Naquet est mort le 10 novembre 1916 à Paris.
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