Premier médecin de Louis XIV de 1672 à sa disgrâce en 1693, Antoine Daquin est né à Paris en 1620, fils du médecin de Catherine de Médicis, Louis-Henri Daquin. Sa famille était d’origine juive, son grand-père, fils d’un fripier de Carpentras, s’étant converti à la religion chrétienne à Aquino, en Italie, d’où le nom de D’Aquin qu’il prit avant qu’il ne se transforme en Daquin.
Après des études à la Faculté de médecine de Montpellier où il est fait docteur le 18 mai 1648, Antoine Daquin rentre à Paris où il succède à son père dans sa charge de médecin ordinaire du roi. En 1661, il épouse Marguerite Gayant, nièce d’Antoine Vallot, premier médecin du roi. Une alliance qui va lui permettre d’être nommé en 1667 médecin ordinaire de la reine, Marie-Thérèse d’Autriche et, surtout, à la mort de Vallot, à la fonction suprême de Premier médecin du roi, Louis XIV, le 18 avril 1672.
Pendant les 21 années durant lesquelles il exerça sa charge, Daquin aura fort à faire avec son royal patient qui a toujours été de constitution fragile. Il a eu ainsi à soigner une luxation du coude consécutive à une chute de cheval, une arthrite goutteuse, un furoncle de l’aisselle, une nécrose de la voûte palatine. Il lui a fallu aussi extraire les dents de la mâchoire supérieure de Louis XIV et soigner un abcès du périnée ayant entraîné une fistule anale.
Beaucoup d’ennemis à la Cour
Mais, durant toutes ces années , Daquin ne se fit pas que des amis. À commencer par Gui Patin, le doyen de la Faculté de médecine de Paris qui, non content de lui reprocher ses origines juives, n’avait que mépris pour ses connaissances médicales. La Faculté de médecine de Montpellier ne pardonnait pas quant à elle à son ancien élève d’avoir fait nommer à la charge de démonstrateur un de ses protégés Sébastien Matte La Faveur, un chimiste et pharmacien connu pour avoir découvert l’eau styptique et inventé un distillat d’eau de lavande « l’eau de la reine de Hongrie » Madame de Sévigné ne supportait pas non plus Daquin tout comme Molière qui lui reprochait d’avoir laissé mourir son fils.
Perdu par sa cupidité
Mais c’est surtout pour sa cupidité que Daquin était honni de beaucoup à la cour. Ainsi, Saint-Simon put écrire de lui : « il était grand courtisan, mais riche, avare, avide, et qui voulait établir sa famille en toutes façons ».
Cette rapacité va provoquer la chute de l’archiatre, nom donné alors au Premier médecin du roi. Daquin, pourtant, pouvait vivre grand train. Sa charge lui rapportait 45 000 livres par an. Il avait obtenu une pension de 4 000 livres en 1692 ainsi qu’une somme de 100 000 livres en partages d’honoraires après la grande opération de la fistule du roi en 1686, sans parler de toutes les abbayes et charges qu’il avait obtenues pour sa famille.
Mais l’idée de gagner 10 000 écus supplémentaires en permettant à un jeune chirurgien de saigner le roi va précipiter sa perte. Voici comment Sébastien Mercier rapporte les événements dans son « Tableau de Paris » :
« Louis XIV vieillissait; on avait l'habitude de le saigner tous les mois. Un jeune petit chirurgien qui avait gagné assez gros sur le pavé de Paris par une très grande habileté à saigner, s'imagina que sa fortune serait faite s'il pouvait parvenir à saigner une fois le roi. Il trouva des connaissances auprès de Daquin, pour lors Premier médecin, et lui conta son affaire, lui disant que s'il pouvait
lui procurer ce qu'il désirait, il y avait dix mille écus consignés chez un notaire.
Daquin avait bien envie de les gagner, mais la chose n’était pas facile à mener parce que Mareschal, pour lors premier chirurgien, ne quittait guère le roi. Il ne laissa pas que de lui donner quelques espérances et lui conseilla de se tenir toujours à portée des occasions en venant s’établir à Versailles, ce qu’il fit.
Un jour, enfin, que Mareschal avait demandé au roi un congé de deux ou trois jours pour aller à sa campagne de Bièvre, Daquin crut le moment favorable. Il tâta le pouls du roi le matin à son ordinaire, contrefit beaucoup l’effrayé, trouva un battement inquiétant, disait-il, et une saignée était absolument nécessaire. Il n’y avait pas de temps à perdre.
Le roi ayant eu d’abord quelques répugnances, n’ayant pas pour le moment Mareschal auprès de lui, la peur l’avait enfin déterminé à tout et Daquin avait proposé son petit chirurgien comme étant un des plus habiles saigneurs du royaume. On l’envoya chercher, la saignée fut faite et Daquin envoya aussitôt retirer les dix mille écus consignés chez le notaire.
Sur ces entrefaites, Mareschal à qui on avait envoyé un courrier était revenu à la minute. Il n’avait pas été peu étonné de trouver le roi saigné, qu’il venait presque de quitter et auquel, à son retour, il ne trouvait plus le moindre symptôme de mal. Cela commença à lui donner à penser.
Comme le petit chirurgien n’avait que quelques louis à espérer pour sa saignée et qu’il commençait à voir qu’il pourrait fort bien s’être trompé dans son attente, Mareschal à force de le tourner, vint à bout de savoir le fond de l’histoire, et le roi ne fut pas longtemps sans en être instruit, car Mareschal, ennemi de Daquin, avait été aussitôt lui en rendre compte.
Le roi entra dans une fureur terrible. Il fit arrêter Daquin et abandonna l’affaire au jugement du Conseil d’Etat. Toutes les voix y furent pour la mort, disant que Daquin avait fait trafic du sang du roi. Enfin, le roi, un peu revenu de sa colère, lui fit grâce de la vie.
Cela ne rendit pas l’argent au petit chirurgien, à qui il en coûta vingt-huit mille livres pour avoir eu l’honneur de saigner une fois Louis XIV. »
Madame de Maintenon qui exécrait Daquin, « cette créature de la Montespan », ne laissa pas tomber l’affaire, insupportée par cet homme qui « quémandait » sans cesse, d’autant qu’il avait aussi réclamé au roi l’archevêché de Tours pour l’un de ses fils abbé.
La déchéance
Le 2 novembre 1693, sur ordre du roi, sans doute aiguillonné par « la Maintenon», le comte de Pontchartrain va se rendre chez Daquin pour lui annoncer qu’il doit quitter la Cour le jour même, avec défense d’y revenir et d’écrire au roi. Guy-Crescent Fagon est désigné pour prendre sa place. Daquin était donc frappé de disgrâce, mais sa famille aussi. Son frère aîné, Pierre, médecin ordinaire à la cour depuis 1676, reçut l’ordre de se démettre et de se retirer à Jouy-en-Josas avec ses 3 000 livres de pension. En 1698, il sera exilé à Brive alors qu’un autre frère de Daquin, évêque de Fréjus, est lui envoyé en pénitence à Carhaix.
Antoine Daquin, durant les trois dernières années de son existence, continua à pratiquer la médecine à Paris et à Moulins en profitant de la pension laissée par Louis XIV. Il meurt le 17 mai 1696.
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