Michel Servet, connu aussi sous le nom de Miguel de Villeneuve est né à Villanueva de Sigena dans la province de Huesca, en Aragon où son père avait une charge de notaire. Il descend par sa mère de la famille Zaporta, juifs convertis de la région de Monzon.
Il commence à étudier avec les moines de Sigena, puis au Château de Montearagon de Huesca où il se perfectionne en langues classiques (latin, grec et hébreu). Ainsi, à l'âge de quinze ans, il entre au service d'un moine franciscain Juan de Quintana, disciple d’Erasme, et est capable de lire la Bible dans les langues originales des manuscrits qui circulent alors.
Après un séjour à l’université de Saragosse, on retrouve la trace de Michel Servet à Toulouse où il étudie le droit, mais participe aussi à des réunions secrètes avec les étudiants protestants, ce qui contribue à le rendre suspect aux yeux des autorités.
Voyages en Allemagne et Italie
Toujours au service de Frére Juan de Quintana devenu confesseur de Charles Quint, Servet voyage en Italie et en Allemagne, faisant partie du cortège pour le couronnement de Charles-Quint, comme roi de Lombardie, à Bologne, le 2 février 1530. Cet événement, organisé en grande pompe par le Pape, marqua assurément sa vision du christianisme.
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Un ouvrage antitrinitaire
En octobre 1530 ; Servet est invité par Ecolampadio, un réformateur et humaniste suisse allemand à Bâle qui va le renforcer dans ses convictions. Il reste là une dizaine de mois en travaillant comme correcteur dans une imprimerie locale. Puis il se rend à Strasbourg où il publie en 1531 son premier ouvrage antitrinitaire : « De Trinitatis erroribus » (« Les erreurs de la Trinité ») , livre qui va servir à accumuler les haines contre lui et à attirer l’attention de l’Inquisition. "L'essence divine est indivisible... il ne peut y avoir dans la Divinité diversité de personnes" , écrit-il. Il publie ensuite à Haguenau le "Dialogaruium de Trinitate Libri duo" (« Dialogue sur la Trinité en deux livres »). Dans ces livres, Servet expose une théologie qui soutient que la croyance à la Trinité n'est pas fondée sur l'enseignement biblique mais plutôt sur ce qu'il considère comme un enseignement trompeur des philosophes grecs. Servet se considère avec ces écrits comme celui qui peut ramener à la simplicité et à l'authenticité des Évangiles et des premiers Pères de l'Église.
[[asset:image:2826 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":["Le livre qui provoqua les foudres de l\u0027Inquisition"]}]]Servet affirme que le Logos divin, qui est une manifestation de Dieu et non une personne divine distincte, a été uni à un être humain, Jésus, quand l'esprit de Dieu est entré dans l'utérus de la Vierge Marie. C'est seulement à partir du moment de la conception que le Fils a été réellement engendré. Donc le Fils n'est pas éternel, mais seulement le Logos au moyen duquel il a été formé. Pour cette raison, Servet rejette toujours l'idée que le Christ serait « le Fils éternel de Dieu », il soutient qu'il est simplement « le Fils de Dieu éternel ».
L’ombre de l’Inquisition
Les menaces de l’Inquisition contre lui se précisant, Servet va se réfugier à Paris, mais il doit quitter la capitale en 1534 après le scandale des Placards. Ces placards intitulés « Articles véritables sur les horribles, grands et importables abus de la messe papale, inventée directement contre la Sainte Cène de notre Seigneur, seul médiateur et seul Sauveur Jésus-Christ » furent affichés dans la nuit du 17 au 18 octobre 1534 dans les rues de Paris et dans diverses villes du royaume de France (Tours, Orléans). Ces affiches furent aussi placardées jusque sur la porte de la chambre royale de François Ier au château d'Amboise, véritable affront envers la personne même du roi et sa foi catholique.
Servet prend alors le pseudonyme de Michel de Villeneuve et va se réfugier à Lyon où il se présente à la fameuse imprimerie des frères Treschsel à qui il offre ses services comme correcteur. Très vite les deux frères s’émerveillent de l'immense érudition de cet étranger et en 1535 le chargèrent de la publication et des annotations de la Géographie de Ptolémée, ce qu'il fit à la perfection, corrigeant de nombreuses erreurs, jusqu'à celles de Ptolémée et de son traducteur latin Wilibald Pickheimer, l'enrichissant de notes d'une grande valeur scientifique et littéraire.
Tout en travaillant à l'imprimerie, Servet rencontre Symphorien Champier (1471-1538), un ami de Rabelais et un des médecins humanistes les plus connus de son temps qui va lui donner le goût de la science d’Hippocrate.
Un opuscule sur « la thérapeutique par les sirops »
Servet va donc retourner à Paris en 1537 pour étudier la médecine avec pour professeurs Fernel, Andernach et Silvius qui le saluent, au côté de Vésale, comme le meilleur assistant pour les dissections.
C’est à cette époque qu’il publie son opuscule : "Syruporum Universa Ratio ad Galeni" (sur la thérapeutique par les sirops). Il y juge et il propose des arômes plus agréables aux médicaments et tente d'éviter les méthodes thérapeutiques en usage. Ce petit livre inoffensif va pourtant lui attirer des ennuis mais il sort absous du procès qui lui est fait. En fait, Servet n’a jamais été qu’écolier ; il n’a jamais été bachelier, ni licencié, ni docteur de l’École de médecine de Paris, laquelle va le chasser pour se livrer à l’astrologie judiciaire, à la divination, et professer publiquement cette science dangereuse.
La carrière médicale de Servet se poursuit à Vienne dans le Dauphiné où il s'installe en 1540, sous le nom de Michel de Villeneuve attiré là par l’archevêque Pierre Paulmier, dont il devient le médecin.
Lors de son passage à Vienne, Servet va faire imprimer par Balthazar Arnollet dans un atelier secret son fameux livre,"Christianismi restitutio" (« La Restauration du christianisme ») et se lance dans une disputatio par correspondance avec Calvin. Ce dernier va juger blasphématoire la métaphore de Servet selon laquelle la Trinité est un « chien des Enfers à trois têtes, signe de l'Antéchrist »
La fuite en Suisse
Dénoncé par un ami de Calvin, comme auteur du livre qui fait scandale, Servet va alors être poursuivi en France par l'Inquisition catholique pour avoir correspondu avec Calvin et pour avoir osé nier la divinité du Christ.
Il est arrêté, emprisonné et condamné au bûcher mais il parvient à s’échapper avant l’exécution de la sentence qui aura néanmoins lieu par contumace, le 17 juin 1553, à Vienne, sur la place La Charnève, l'Inquisition brûlant en public une effigie de Servet à titre d'exemple.
[[asset:image:2831 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Servet, pour des raisons obscures, se réfugie à Genève où il est reconnu le 13 août 1553 à la sortie du temple ou prêchait Calvin et aussitôt arrêté. Il a échappé à l’Église de Rome, mais il n’échappe pas à l’Église calviniste...Durant son emprisonnement, Servet prépare sa défense. Et attaque Calvin : « C'est lui ou moi. Il s'agit de savoir qui vous voulez suivre. » et écrit aussi de sa prison : « Si j'avais dit cela, non seulement dit, mais écrit publiquement, pour infecter le monde, je me condamnerais moi-même à mort. C'est pourquoi, Messeigneurs, je demande que mon faux accusateur (Jean Calvin) soit puni, et qu'il soit détenu prisonnier comme moi, jusqu'à ce que la cause soit définie pour mort de moi ou de lui, ou autre peine. Et pour ce faire, je m'inscris contre lui à ladite peine du talion. Et suis content de mourir s'il n'est convaincu de ceci et d'autre chose, que je lui mettrai dessus. Je vous demande justice, Messeigneurs, justice, justice. »
Son procès va donner lieu à un tel affrontement entre calvinistes et anti-calvinistes que Calvin, qui assume l'accusation, ne peut atténuer la peine demandée par les anti-calvinistes du "Grand Conseil de la république de Genève" : Servet est donc condamné à être brûlé vif comme hérétique avec deux exemplaires de son livre, à Champel près de Genève, le 27 octobre 1553. « Toy, Michel Servet, condamnons à debvoir estre lié et mené au lieu de Champel, et là debvoir estre à un piloris attaché et bruslé tout vifz avec ton livre, tant escript de ta main que imprimé, jusques à ce que ton corps soit réduit en cendres ; et ainsi finiras tes jours pour donner exemple aux autres qui tel cas vouldroient commettre. »
Une terrible agonie
Le supplice fut épouvantable, les fagots destinés à brûler l’hérétique étaient en trop petit nombre, et encore humides de la rosée du matin ; ils flambèrent difficilement ; pendant plusieurs heures le malheureux Servet ne put mourir, criant : "O malheureux que je suis, qui ne peux terminer ma vie! Les deux cents couronnes que vous m’avez prises, le collier d’or que j’avais au cou et que vous m’avez arraché, ne suffisaient-ils pas pour acheter le bois nécessaire à me consumer !… O Dieu éternel, prends mon âme !… O Jésus, Fils du Dieu éternel, aie pitié de moi !…"
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La petite circulation du sang
De l’ouvrage "Christianismi Restitutio" qui fit condamner Miguel Servet, il ne subsiste que deux exemplaires, un à la Bibliothèque de Vienne en Autriche, l’autre à la Bibliothèque Nationale de France.
Les historiens de la médecine en ont retenu troisi pages – 169 à 171 – pour ses détails anatomiques et physiologiques qui prouvent que Servet avait à l’évidence, une idée très précise de la circulation pulmonaire ou petite circulation. Il conteste ainsi le dogme de Galien et affirme l'imperméabilité de la cloison inter-ventriculaire dans le cœur normal : « Cette paroi médiane ne se prête à aucune communication et ne permet pas au sang de passer », une notion essentielle qui sera reprise par Vésale deux ans plus tard.
Il perçoit l’hématose pulmonaire : « …l'air mélangé avec le sang, lequel est envoyé des poumons vers le cœur via les veines pulmonaires ; le mélange ayant donc lieu dans les poumons. La couleur vive est conférée à l'esprit sanguin par les poumons et non par le cœur » ajoutant que « le sang noir se transforme en sang rouge au niveau des poumons grâce à une circulation du sang ».
Ayant également constaté que les poumons reçoivent par l'artère pulmonaire une quantité de sang supérieure à leurs besoins nutritifs, il en conclut, qu'après s'y être mélangé à l'air, le sang doit nécessairement en ressortir et il décrit alors la petite circulation : « À partir du ventricule droit, le sang se dirige dans un long conduit vers les poumons où il est épuré ; il devient plus clair et passe de la veine artérieuse dans l'artère veineuse. C'est ainsi que l'esprit vital se répand du ventricule gauche du cœur dans les artères du corps entier ».
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