Jacques Dubois, dit en latin Jacobus Sylvius, né à Loeuilly, près d’Amiens, eut deux vies bien distinctes. Dans la première partie de son existence, jusqu’en 1531, Sylvius va s’affirmer comme un brillant linguiste et, surtout, grammairien, auteur d’une « Introduction à la langue française suivie d’une grammaire » qui peut être considéré comme la première grammaire de la langue française.
Un diplôme de médecin à plus de cinquante ans
À partir de 1531 débute la deuxième vie de Sylvius qui, diplômé de la Faculté de médecine de Montpellier, va désormais entièrement se consacrer à l’art médical. Dès son arrivée à Paris, la même année, il est nommé par Henri II lecteur de médecine au Collège de Tréguier et de Léon (créé e 20 avril 1325, par le testament de Guillaume de Coatmohan, grand chancelier de l'église de Tréguier, pour huit étudiants bretons pauvres du diocèse de Tréguier). Ce collège sera appelé à devenir le Collège de France en 1779 avant de devenir au XIXe siécle le Collège impérial et enfin le Collège de France.
En 1536, Sylvius est admis au sein de la Faculté de médecine de Paris dont il devient le premier professeur d’anatomie, discipline à laquelle il va apporter des progrès considérables. Il élabore ainsi une remarquable nomenclature des muscles ainsi qu’un vocabulaire médical dont les termes sont toujours usités aujourd’hui (mésentère, kystique, crural, poplité, gastrique…). Il donne aussi son nom t à l'aqueduc du mésencéphale (aqueduc de Sylvius), à l'artère cérébrale moyenne (artère sylvienne) et au muscle carré plantaire (chair carrée de Sylvius).
Sylvius et Vésale, la querelle entre le maître et l’élève
Traditionaliste convaincu, Sylvius bannit l’usage du français pour la rédaction de traités médicaux, considérant qu’il s’agit d’un domaine d’études réservé à une élite. Farouche partisan du galénisme, Sylvius va également renter dans l’histoire de la médecine pour avoir été le plus farouche partisan de Vésale, son ancien élève. À l'époque, les cours universitaires d'anatomie consistent en une lecture des textes de Galien tandis que dans des locaux qui ne portaient pas encore le nom de théâtres d'anatomie, un barbier dissèque des chiens et, deux fois pendant l’hiver, un corps humain de pendu. Vésale va lui révolutionner l'anatomie, demandant des corps des pendus au gibet de Montfaucon et pratiquant des examens sur des os déterrés au cimetière des Innocents. Sylvius, qui affirmait « qu’il ne pouvait trouver personne en Europe qui put l’égaler », va s’élèver contre cette pratique, préférant intepréter les écrits sur l’anatomie et la physiologie de Galien plutôt que de les interpréter. Pour lui, fonder ses connaissances sur l’étude des corps et non des textes, c’est se déconsidérer. La querelle va atteindre son paroxysme en 1543 quand Vesale pratique une dissection publique du corps de Karrer Jakob von Gebweiler, un meurtrier pendu à Bâle, remettant formellement en cause l’héritage de Galien dont il va s’empresser de relever les erreurs dans son ouvrage De corporis humani fabrica libri septem qui va provoquer la fureur de Sylvius et de l’Église pour qui les préceptes de Galien étaient incontestables et qui a posé de nombreux interdits sur la dissection humaine.
La querelle entre le maître et l’élève va se poursuivre jusqu’à la mort de Sylvius, en 1555, jetant un léger voile d’ombre sur la personnalité de ce dernier, malgré qu’il ait été un des grands artisans du développement de l’anatomie sous la Renaissance.
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