O N s'en souvient, c'est pour Jacqueline Maillan que Bernard-Marie Koltès avait écrit le personnage de Mathilde dans « le Retour au désert ». Lui dont la vocation à l'écriture dramatique s'était décidée grâce à Maria Casarès, il étonnait son monde. Mais Koltès ne se trompait pas. Il aimait les acteurs, il écrivit, cette pièce-là en tout cas, pour eux. Si l'on rappelle ce détail, c'est pour souligner combien sa liberté était grande, combien son style était personnel, combien son inspiration était large.
En même temps, et c'est très frappant en réécoutant « le Retour au désert », Koltès puise au plus profond de la France. C'est une pièce sur la France, celle des années soixante, celle de cette province qu'il a si bien connue, celle des pensées, des mouvements de pensée d'alors. Sa France à lui.
C'est ce qu'avait compris Heiner Müller, passionné par cette écriture dans laquelle l'auteur est puissamment présent, c'est ce qu'accomplit magnifiquement Thierry de Peretti, qui se soumet aux régimes de l'uvr
e sans chercher à les contrarier. Une structure d'une efficacité imparable, avec ses bouffées étranges : fantôme ou personnage qui rêve de se propulser dans le cosmos, par exemple.
On retrouve le style de Koltès, cette écriture nerveuse, rapide, sans effets, on retrouve sa délicieuse désinvolture : il y a en lui, et dans cette pièce en particulier, quelque chose de blagueur, presque de désinvolte. Et l'on rit. Et il souhaitait que l'on rie. Cela n'interdit pas au texte de s'ancrer dans les zones les plus profondes de ce que l'on peut désigner comme l'expérience commune : la Seconde Guerre mondiale, l'Algérie, la colonisation, les attentats, le racisme, la petite-bourgeoisie de province. Tout cela est d'une acuité confondante, mais tout cela est donné sur un mode bariolé et irrésistible qui ne sacrifie pourtant jamais l'épaisseur des personnages.
Thierry de Peretti, on l'a dit, se soumet aux régimes différents de l'ouvrage, à ses zones d'ombre comme à ses grands éclats, et organise avec une grande précision, nerveuse comme l'écriture même du texte, la représentation. C'est un travail remarquable relayé par une excellente troupe très bien dirigée. On ne peut citer chacun, mais on soulignera la puissance vitale de Marianne Groves, son humour et les humeurs très bien tenues du « personnage » de Mathilde, comme le jeu très maîtrisé de Foued Nassah, le frère, Adrien. Il y a une sincérité générale du jeu qui touche profondément et préserve la gaieté de l'ensemble par-delà la noirceur incisive de Koltès.
Théâtre de la Bastille, à 21 h du mardi au samedi, à 17 h le dimanche. Durée : 2 h sans entracte. Jusqu'au 3 février (01.43.57.42.14).
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