L' IMPORTANCE de la présence d'une flore normale pour assurer une protection écologique contre l'infection a été récemment démontrée au niveau du tractus respiratoire supérieur. Chez des patients souffrant de pharyngo-amygdalites à streptocoques, on a montré, en association avec une fréquence élevée de réinfections, un déficit en bactéries ayant une activité « interférente », c'est-à-dire une aptitude à inhiber la croissance des pathogènes et particulièrement le streptocoque alpha. Par ailleurs, chez les enfants sujets aux otites moyennes aiguës (OMA), certains travaux ont montré une réduction du nombre des streptocoques alpha par comparaison avec des enfants n'ayant pas ce type de soucis. Et les enfants manquant de streptocoques interférents semblent avoir davantage d'angines à streptocoques que les autres. Une équipe des pédiatres suédois a travaillé à partir de ces données. Le but était de rechercher un moyen de diminuer la récurrence des OMA chez certains enfants. L'OMA est l'infection bactérienne la plus courante chez les jeunes enfants, avec un pic d'incidence entre un et deux ans d'âge.
Les enfants sujets aux OMA
Le risque de développement d'un autre épisode dans le mois suivant le premier est de 35 %. Chez environ 5 % des enfants dits « sujets aux OMA », des épisodes répétés surviennent : au moins six épisodes en tout ou bien, selon une définition plus récente, au moins trois épisodes en un an (ce qui a augmenté le nombre absolu des enfants sujets aux OMA).
Kristian Roos et coll. ont organisé une étude en double aveugle contre placebo, de manière à évaluer l'effet d'une recolonisation par des streptocoques alpha à activité interférente contre les pathogènes les plus couramment impliqués dans les OMA - Streptococcus pneumoniae, Hæmophilus influenzæ et, moins souvent, Moraxella catarrhalis et les streptocoques du groupe A bêta ; 108 enfants âgés de 6 mois à 6 ans (âge moyen de 23 mois) ont été enrôlés pour un suivi de trois mois. Le protocole prévoyait que les enfants n'ayant pas eu de récurrence au cours du dernier mois recevaient de la phénoxyméthylpénicilline (n = 22), ceux ayant eu une récurrence pendant le mois ont eu de l'amoxicilline-acide clavulanique (n = 86). Ce qui a été suivi d'une administration, par aérosol, d'une solution contenant des streptocoques interférents (cinq souches sélectionnées de streptocoques alpha hémolytiques isolés de la trompe d'Eustache d'enfants sains) ou un placebo, pendant dix jours. A deux mois, le même aérosol a été donné à nouveau pendant dix jours.
Les résultats à trois mois montrent d'abord que le taux de récurrence est de 50 % dans les trois mois en dépit d'un traitement antibiotique convenablement prescrit.
Tympan normal
Ensuite, que 42 % des enfants ayant eu l'aérosol bactérien n'ont eu aucun épisode d'OMA pendant le suivi de l'étude, et leur tympan était normal, alors qu'ils ne sont que 12 % dans le groupe placebo (22 enfants contre 12). Les différences sont observées à la fois pour l'OMA et l'otite séreuse, souvent considérée comme une complication de l'OMA.
Comme il existe un effet des antibiotiques sur l'écologie de la flore normale, les auteurs estiment qu'on peut supposer qu'ils diminuent le système de défense que ces germes forment, voire que les traitement antibiotiques réitérés contribuent d'une manière indirecte à la répétition des épisodes.
En conclusion, la réduction du nombre des récurrences peut paraître faible, mais comme ces enfant sujets aux otites sont de gros consommateurs d'antibiotiques, l'impact de cette approche sur le développement des résistances parmi les micro-organismes pathogènes peut être considérable.
« British Medical Journal », vol. 322, 27 janvier 20021, pp. 210-212.
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