Pied diabétique ischémique

Oxygénothérapie hyperbare : du mieux si on y adhère

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Publié le 18/01/2018
oxygénothérapie

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Crédit photo : Phanie

Les données sont très contradictoires quant aux effets de l'oxygénothérapie hyperbare (OHB) dans le traitement des ulcères ischémiques chroniques de membres. Cette question s’est surtout posée, depuis plusieurs décennies, pour les sujets porteurs d’un diabète. Nous avons tous tenté d’utiliser cette procédure – souvent peu disponible dans les établissements hospitaliers – et les résultats furent, soit difficilement analysables soit peu concluants eu égard à la taille des études et leur hétérogénéité. En somme, aucun consensus et rien de clair à ce jour à ce propos.

Les ulcères du pied diabétique résultent d'une combinaison de la neuropathie, de traumatismes et de déformations du pied. De nombreux patients ont, de plus, une artériopathie périphérique (PAAD), ce qui constitue un facteur pronostique plus défavorable. Parmi les approches thérapeutiques, les revascularisations artérielles sont des solutions difficiles à mettre en œuvre et des taux d’amputations majeures sont rapportés (5 à 23 % à 2 ans) après de tels gestes. L’alternative que peut constituer l’OHB est tentante mais les études restent très difficiles à mener, celle qui est présentée ici n’échappe pas à ce constat.

Une inclusion difficile

L'objectif de cet essai mené aux Pays-Bas, DAMO2CLES pour « does applying more oxygen (O2) cure lower extremity sores? », a été de déterminer si une OHB peut s’avérer bénéfique pour les patients atteints de diabète et d'ulcères de jambe ischémiques. Ce sont 120 patients diabétiques, porteurs d’une plaie à composante ischémique avérée qui ont été randomisés, soit dans le bras traitement standard sans OHB (SC : n = 60), soit dans le bras avec OHB (SC + OBH : n = 60). En majorité (> 3/4), il s’agissait d’hommes, diabétiques de type 2 (90 %), âgés de 70 ± 10 ans, ayant un diabète évoluant depuis 16-18 ans ± 15 années. Les lésions concernaient très majoritairement sur le gros orteil, le pied en-deçà de la cheville, surtout grade de Wagner II et III. Ils étaient en outre porteurs de multiples autres complications liées au diabète.

Cet effectif de 120 est très inférieur à ce qui était requis sur le plan statistique du fait d’une très grande difficulté à inclure dans les délais requis. Les deux groupes ont bénéficié de la même approche thérapeutique, si nécessaire, d’une revascularisation artérielle. Quant à l'OHB, elle était prévue pour des séances de 5 jours par semaine, jusqu'à un maximum de 40 séances ou jusqu'à guérison complète de la plaie.

Le critère de jugement principal était le sauvetage de membre et la cicatrisation des plaies à 12 mois, ainsi que le temps de cicatrisation. Les autres paramètres étaient la survie sans amputation (AFS) et la mortalité. Un taux élevé de refus et d’arrêts de traitement

Il convient d’abord de rapporter le taux élevé de refus ou d’arrêt de l’OHB (traitement mal vécu par certains et protocole assez lourd), ce qui a réduit à 39 le nombre de sujets du groupe OHB ayant bénéficié de tout le programme thérapeutique. Toutefois, 57 et 58/60 ont été suivis jusqu’à une année dans les deux groupes.

Le sauvetage des membres a été obtenu chez 47/60 patients du groupe SC, versus 53/60 patients du groupe SC + OHB (réduction des risques, RR = 10 % seulement). Après 12 mois, 28 plaies ont cicatrisé dans le groupe SC, vs. 30 dans le groupe SC + OHB (RR = 3 %). La survie sans aucune amputation a été obtenue chez 41 patients du groupe SC et 49 du groupe SC + OHB (RR = 13 %).

Et si, dans le groupe SC + OHB, 35 % ne purent terminer le protocole, ceux qui l'ont suivi intégralement ont eu une réduction significative des amputations et de la survie sans amputation (RR = 26 % pour cette dernière). Des équipes bien formées

On en conclut, certes, que l’oxygénothérapie hyperbare, en plus des traitements conventionnels, n'a pas significativement amélioré la cicatrisation complète des plaies ou le sauvetage de membre chez des sujets diabétiques ayant un ulcère à composante ischémique des membres inférieurs. On peut toutefois être moins pessimiste que les auteurs et, comme eux, rappeler que cette étude est la plus large conduite à ce jour, que trois études précédemment publiées ont montré un bénéfice de l’OHB, et l’inverse une seule.

Surtout, dans cette étude DAMO2CLES, l’amélioration a été significative lorsque le patient adhéré à ce traitement assez contraignant, donc aussi ceux chargés de le mettre en place étaient bien formés y compris humainement. En effet il s’agit ici, nous le savons, de patients fatigués, lassés par le fardeau de la maladie, du traitement, des complications, et… de la technique OHB. Si tout est bien mis en œuvre, alors la réduction de risque obtenue ici doit être considérée comme prometteuse.

Professeur émérite université Grenoble Alpes
Katrien TB, Santema et al. Hyperbaric Oxygen Therapy in the Treatment of Ischemic Lower- Extremity Ulcers in Patients With Diabetes: Results of the DAMO2CLES Multicenter Randomized Clinical Trial. On behalf of the DAMO2CLES Study Group. Diabetes Care 2018 Jan; 41(1):112-9. https://doi.org/10.2337/dc17-0654

Pr Serge Halimi

Source : lequotidiendumedecin.fr