Parkinson... et pommes Dauphine

Publié le 12/03/2018
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Quel regard peut-on porter sur ces spots publicitaires diffusés sur de grandes chaînes télé, à une heure de grande écoute ? Destinés à sensibiliser le public dans le but de réunir des fonds, pourquoi pas ? Mettre en lumière les désastres causés par une grande maladie, là aussi le but est louable dans la mesure où les fonds recueillis vont aider la recherche médicale.

Mais d’autres aspects beaucoup moins positifs sont soulevés par ces spots aussi bien dans leur forme que dans le fond. C’est à propos de l’un d’eux, que nous allons voir pourquoi ils peuvent poser problème et soulever bien des questions. Notez que leur durée ne dépasse pas une minute voir une minute trente… C’est largement suffisant pour surprendre, voir scandaliser.

Transportons-nous dans un self-service, un de ceux ou les gens viennent se restaurer : ils sont là, les uns derrière les autres, munis de leur plateau, choisissant les plats du jour étalés devant eux : dans la queue, un homme d’âge moyen, tenant lui aussi un plateau, censé contenir les plats choisis… Très vite, quelques petites pommes… que nous qualifierons de Pommes Dauphine, roulent à terre… Suit aussitôt, la chute du plateau tout entier… Désolation de notre homme… abandonné à lui-même… et des autres…

Nous y voilà : le Parkinson vient de frapper et de frapper fort… Peut-être avez-vous eu l’occasion de voir ce spot et, si tel est le cas, vous n’avez pas manqué de vous poser quelques questions, dont quelques-unes comme celles qui suivent. Comment cet homme a-t-il pu se retrouver seul dans la queue des clients de ce self-service, sans assistance ? Par quel moyen de locomotion a-t-il pu arriver là ? Un Parkinsonien peut-il par enchantement prendre seul sa voiture, braver la circulation et atterrir dans ce lieu ?

Une nouvelle race de Parkinsonien vient-elle de naître ? Faut-il en déduire que le Parkinson est une maladie facile à vivre, qui permet à ceux qui en sont atteints de mener une vie normale ? Enfin, le Parkinson est-il oui ou non le type même de la maladie qui, chaque jour, vous apporte son lot de "réjouissances" ? Le Parkinson est-il la maladie qui entame insidieusement votre capital "autonomie’’ ? Tout en réduisant petit à petit votre mobilité ?

La qualification de patient EXPERT peut-elle atténuer nos symptômes et mieux maîtriser la maladie ? Hélas non. Dépression, marche difficile, troubles du sommeil, risque de chute, troubles moteurs à l’appui ne complètent-ils pas ce tableau, rendant toute vie sociale impossible… Dopamine ! Dopamine ! Que de malheurs quand tu nous manques !

Comment les responsables de France Parkinson ont-ils pu cautionner ce spot, sans s’entourer d’un avis médical ? Comment les Parkinsoniens et leur famille ont-ils réagi à ce spot, sinon par l’indignation, voir la colère ? Ne faut-il pas que les réalisateurs et concepteurs de ce spot revoient très vite leur copie et nous donnent une tout autre version du Parkinson ? Plus plausible, plus acceptable ? Moins spectaculaire ?

Qu’il me soit permis de relater un exemple vécu lequel s’inscrit à l’opposé du spot précédemment analysé. On fête un anniversaire : le mien. Autour de la table, parents, amis sont réunis. Un magnifique gâteau au milieu avec ses bougies. Assis à l’autre bout, je préside, les jambes sont lourdes. Quand retentit : « Un discours ! Un discours ! » Ces mots sonnent mal à mes oreilles. Impossible de me relever, de retrouver cette verticalité sans une aide : je suis là, mais visiblement absent ; quand on me tend une assiette avec une part de gâteau, après que l’on a soufflé les bougies à ma place… Je lâche l’assiette… Un tremblement subi au bout des doigts… Le gâteau s’étale sur la table… Le silence se fait, succédant à la chaleureuse ambiance… Ce diable de Parkinson s’était invité à la fête, il voulait avoir lui aussi sa part de gâteau, il l’aura eu en fin de compte…

Personnes atteintes de Parkinson en France : 170 000. Qu’il me soit permis ici de souhaiter à chacun et chacune un happy birth day ! Plus réussi que le mien, bien entendu.   

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Claude Benayoun, cadre pharmaceutique

Source : Le Quotidien du médecin: 9647