Est-il encore nécessaire de présenter Martin Winckler, généraliste et écrivain français qui a consacré sa vie à la santé des femmes, et dont certains ouvrages sur le sujet ont marqué les esprits ? Après s’être fait connaître avec le roman féministe Le Chœur des femmes (2009), qui plaçait la parole des patientes au cœur de la pratique du soin, et l’essai Les Brutes en blanc (2016), qui a contribué à faire reconnaître les violences obstétricales, l’auteur propose aujourd'hui un guide de 500 pages pour tenter de répondre à toutes les questions que se posent légitimement les femmes au sujet de leur corps.
Le but de cet ouvrage ? Éclairer, déculpabiliser, rassurer les lectrices. Et ainsi, alléger le poids de ce que le célèbre médecin nomme, faisant ainsi écho à la très médiatisée « charge mentale », la « charge physiologique » des femmes. L’auteur part en effet du constat irrécusable que vivre dans un corps féminin induit une « existence physiologique beaucoup plus mouvementée » que chez les hommes (règles, grossesses, fausses couches, irrégularités du cycle, ménopause parfois très pénible…) ainsi que des épreuves spécifiques diverses (grossesses non désirées, IVG, violences domestiques, maltraitances sexistes…).
Les différents chapitres de ce guide abordent ainsi, par exemple, les règles, la sexualité et le désir féminin, la contraception, la fertilité, la grossesse, l’accouchement, la ménopause, ou encore les violences gynécologiques. Martin Winckler répond sans tabou, et avec autant d’humilité que possible – il souhaite s’exprimer en tant que soignant plutôt que comme expert –, aux interrogations les plus variées, telles que « existe-t-il des médicaments pour booster le désir des femmes ? », « avorter plusieurs fois compromet-il des grossesses ultérieures ? » ou encore « la pilule provoque-t-elle le cancer ? », rappelant alors que si la contraception hormonale élève légèrement le risque de cancers du sein, du col de l’utérus et du foie, elle protège aussi des cancers de l’ovaire et de l’endomètre.
Reléguer les idées reçues au passé
Le généraliste aborde également des thématiques plus contemporaines et qui font l’objet de débats, comme la contraception masculine ou la congélation des ovocytes.
L’auteur rassemble ici des informations scientifiques avérées, qu’il agrémente de conseils, recommandations et réflexions personnelles. Des références (ouvrages, articles, sites internet…) complètent chaque chapitre.
Si le guide C’est mon corps apporte des informations riches et libératrices pour les femmes, il s’adresse tout autant aux soignants. Selon Martin Winckler, en effet, « beaucoup de conseils médicaux sont guidés par la peur ou les jugements de valeur ». L’ouvrage peut donc être un outil précieux pour tous les professionnels qui ont à cœur d’écouter et conseiller au mieux les patientes, en reléguant définitivement au passé les idées reçues, interdits et propos culpabilisants qui sont encore « légion dans le discours d’un grand nombre de médecins » en France, indique-t-il.
Un livre généreux et efficace qui nous rappelle inévitablement cette phrase clé du Chœur des femmes : « Oui j'en ai, des questions, et beaucoup : les miennes, celles des autres, celles que je voudrais poser et celles que je ne veux pas. »
C’est mon corps, Éditions de l’Iconoclaste, 500 pages, 22 euros.
Morceaux choisis
Les hommes devraient-ils porter le poids de la contraception ?
« Certains hommes aimeraient maîtriser leur fertilité, qu’ils vivent ou non en couple ; les femmes, elles, « doivent » se protéger d’une grossesse non désirée. Dans un couple qui s’entend sur tout, y compris sur le désir d’enfant, une alternance ou une coopération autour de la contraception est possible. C’est le cas des couples qui ont recours aux méthodes naturelles, aux préservatifs, ou aux deux. Mais pour les femmes qui ne vivent pas ce type de relation,
il est essentiel que la contraception soit sous leur contrôle. La contraception est inaccessible – ou accessible sous un contrôle strict – dans les sociétés patriarcales oppressives, précisément parce que les hommes y décident si et quand une femme doit être enceinte. Or, la prévention des grossesses non désirées est un problème trop sérieux pour le confier aux hommes.
Il me paraît donc souhaitable qu’on poursuive les recherches pour améliorer les méthodes existantes et en trouver d’autres, mais qu’on laisse aux femmes le contrôle de leur contraception à titre individuel. »
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