La piste des IMAO dans l’insuffisance cardiaque

Peines de cœur, double emploi pour les antidépresseurs

Publié le 12/01/2010
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QUI A DIT que le cœur a ses raisons que la raison ignore ? En tout cas, ce n’est pas l’avis de l’équipe italo-américaine dirigée par les Drs Nazareno Paolocci et Nina Kaludercic, qui vient d’éclairer la relation physiologique, via la sécrétion de noradrénaline, entre cœur et cerveau. D’après leurs derniers travaux, les chercheurs de la Johns Hopkins University proposent ainsi une piste étonnante pour traiter l’insuffisance cardiaque : des antidépresseurs de la classe des inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO). Les scientifiques ont en effet montré chez la souris qu’un vieil IMAO développé il y a plus de quarante ans et abandonné aujourd’hui, la clorgyline, permettait de corriger l’insuffisance cardiaque. « Maintenant que l’on sait que la clorgyline marche, nous allons tester d’autres médicaments de la classe des IMAO, plus récents et plus sûrs, comme le moclobémide, dont les effets sont réversibles à l’inverse du vieil IMAO », a déclaré le chercheur Paolecci. La clorgyline était ainsi connue pour donner de nombreux effets secondaires à type d’agitation, d’insomnie et d’hypertension artérielle, après l’ingestion d’aliments contenant de la tyramine (vin rouge, chocolat, haricots secs, viande, fromages fermentés).

Stockage de la noradrénaline.

Dès six semaines, une réversibilité de l’hypertrophie cardiaque et une récupération de la fonction de pompe ont été constatées chez des rongeurs traités par de faibles doses de l’IMAO. Si la perte de cardiomyocytes était revenue à la normale dans le groupe clorgyline, elle était 3,5 fois plus élevée dans le groupe contrôle. Quant à la dilatation cardiaque, elle a régressé également pour une dimension de la chambre ventriculaire mesurée à 1,2 mm en moyenne versus 3 mm chez les rongeurs non traités. Déplétées au cours de l’insuffisance cardiaque, les réserves en noradrénaline ont été réapprovisionnées dans le groupe clorgyline, sans aucune modification constatée dans le groupe contrôle.

L’équipe italo-américaine travaille en effet depuis plusieurs années sur le rôle de la noradrénaline dans l’insuffisance cardiaque. Leur hypothèse de recherche est que cette neurohormone contrôlant la réponse au stress n’est plus stockée de façon adéquate dans le système nerveux. Le cœur étant inondé d’un flux de catécholamine, s’exerce alors un puissant rétrocontrôle négatif : en dégradant la neurohormone, l’enzyme monoamine oxydase produit des radicaux libres oxygénés, hautement réactifs et délétères pour le myocarde. Le lit de l’insuffisance cardiaque est fait. D’où l’idée que des inhibiteurs de cette enzyme, les IMAO utilisés jusqu’à présent en psychiatrie dans la dépression, pourraient être bénéfiques dans l’affection cardiaque. Outre le fait d’évaluer chez l’animal l’effet d’autres IMAO, tel que le moclobémide, l’équipe projette désormais de déterminer si cette classe médicamenteuse diminue le risque d’insuffisance cardiaque et d’autres maladies cardio-vasculaires en analysant les registres médicaux de sujets traités.

Circulation Research, 8e édition.

 Dr IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8684