Théâtre

Peut-on être séduit(e) par Tartuffe ?

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Publié le 27/01/2022
Marina Hands, Christophe Montenez

Marina Hands, Christophe Montenez
Crédit photo : Crédit : Jan Versweyveld

Coup de force à la Comédie-Française, Tartuffe ne serait pas le chef-d’œuvre qui dénonce les hypocrisies et faux-semblants religieux et politiques de toute nature. Séducteur, hier mendiant à la porte des églises, aujourd’hui SDF dans le métro, il apparaît comme le révélateur d’une famille dysfonctionnelle déchirée par des problèmes de couple, des conflits entre parents et enfants et l’irruption de nouvelles valeurs contre l’ordre ancien condamné un jour à disparaître. Dès lors, tout est possible, même l’impensable, Elmire serait amoureuse en vérité  de Tartuffe. Ce qui autorise Ivo van Hove à nous proposer une version débridée, érotisée libérée ? autorisée à tout public… à partir de 15 ans. Cette lecture repose non pas sur la pièce en cinq actes lue dans les collèges et lycées, mais sur la version en trois actes de 1664 présentée à Versailles et interdite le lendemain par Louis XIV. Elle nous permet d’échapper au Ve acte, happy end artificiel, remplacé ici par un final sur lequel on ne dira rien sinon qu’il nous offre l’image d’une famille recomposée. Certes, Ivo Van Hove joue avec les codes narratifs d’aujourd’hui, musique omniprésente, effets visuels, puissance du son, influence du cinéma. La représentation est d’une folle modernité. Y gagne-t-on en intelligence du texte et surtout cette lecture nous donne-t-elle plus de clarté sur notre monde ? Non bien sûr. Le metteur en scène n’a rien à dire sur les dévots d’aujourd’hui si nombreux dans la sphère publique. Bref une nouvelle fois, Ivo Van Hove privilégie l’épate, l’efficacité scénique à la quête de sens. En revanche, elle permet à la troupe d’offrir une leçon de jeu, Denis Podalydès notamment dans le rôle d’Orgon, figure souvent sacrifiée au profit de Tartuffe, qui se révèle ici d’une grande complexité. Pour son 400e anniversaire, le patron est bien servi par ses comédiens. Peut-être aurait-il mérité une lecture plus engagée sur les désordres publics et pas seulement familiaux ?

 

Le Tartuffe ou l’Hypocrite de Molière, mise en scène Ivo van Hove, Comédie-Française en alternance jusqu’au 24 avril 2022.


Source : lequotidiendumedecin.fr