Les pistes d’économies pour l’assurance-maladie

Polémiques autour d’une ordonnance 2011 à 2,5 milliards

Publié le 20/09/2010
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LE GOUVERNEMENT présentera officiellement le 28 septembre les grandes lignes du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2011, en même temps que les prévisions actualisées des comptes de la Sécu. Mais le volet « assurance-maladie » de ce budget aurait déjà été bouclé par l’Élysée, croit savoir le journal « Les Échos », qui a dévoilé jeudi dernier les mesures envisagées pour une économie de 2,5 milliards d’euros (lire ci-dessous). Ces dispositions, qui doivent permettre de limiter la hausse des dépenses maladie à 2,9 % l’an prochain, évitent habilement de ne cibler qu’un seul secteur : elles visent l’industrie du médicament (baisses de prix et de volumes), la médecine libérale (maîtrise médicalisée des prescriptions, décotes tarifaires ciblées), l’hôpital et le secteur médico-social, sans épargner les assurés et les mutuelles (hausses de ticket modérateur, mesures sur les ALD). Si les mesures sont confirmées à la fin du mois, le gouvernement défendra la thèse d’un cocktail d’efforts « équilibrés » entre les acteurs.

Ballon d’essai ou mesures définitives ? Selon nos informations, le plan a été concocté par le conseiller social de l’Élysée Raymond Soubie, en lien avec Bercy. Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, a refusé de commenter des « pistes de travail absolument pas arbitrées ». À Bercy, on affirme que « tout n’est pas tranché » sans rien démentir sur le fond. Les experts UMP du dossier n’étaient pas dans la confidence. Jean-Pierre Door, député UMP du Loiret et rapporteur du PLFSS 2011 pour l’assurance-maladie, a découvert le plan dans la presse. Même chose pour Yves Bur, député UMP du Bas-Rhin et rapporteur pour les recettes. Quant au patron de l’assurance-maladie, Frédéric van Roekeghem, il a accueilli cet arsenal avec une prudence de Sioux : « Il faudra des efforts de tous, des caisses d’assurance-maladie, des professionnels de santé et vraisemblablement des assurés. » En juillet, la CNAM avait préconisé un plan d’ampleur similaire visant à économiser 2,2 milliards d’euros l’an prochain.

La médecine de ville entravée ?

Quoi qu’il en soit, la levée de boucliers a été immédiate. Côté médecins, l’augmentation d’un demi-point du ticket modérateur sur les soins de ville (consultations, actes d’infirmières et de kinésithérapie) a été aussitôt perçue comme un coup dur. L’analyse est simple : même symbolique, cette nouvelle hausse du reste à charge sera un signal très négatif adressé aux patients (l’effet des franchises étant à peine absorbé). La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) voit dans ce train d’économies « l’instrument du rationnement des soins ». Elle estime que « l’accès aux soins de proximité n’est plus une priorité pour le pouvoir ». Pas en reste, MG-France condamne des « solutions qui ont montré dans le passé leur inefficacité, augmentation du reste à charge pour le patient et pseudo-maîtrise médicalisée reposant uniquement sur les médecins généralistes ». Le Syndicat des médecins libéraux (SML) parle de « harcèlement » de la médecine libérale de proximité. Quant au Centre national des professions de santé (CNPS, libéraux), il appelle le gouvernement à revenir sur des mesures « effroyablement comptables ». Ce tollé est-il justifié ? À en croire Yves Bur (UMP), les médecins libéraux auraient tort de se plaindre. « Un ONDAM à 3,9 % est difficile à tenir, rappelle-t-il. Et la hausse promise de un euro de la consultation a été provisionnée. Il faut que les médecins gardent raison, ils sont épargnés. Le signal cette fois, c’est que les Français doivent mettre la main à la poche. »

Mettre la main à la poche ? Les associations de patients ont perçu le message. Pour le Collectif interassociatif sur la santé (CISS), ce PLFSS en forme de « rabot social » aboutit au recul de l’assurance-maladie solidaire. La FNATH (accidentés de la vie) déplore dans la même veine la logique de désengagement du régime obligatoire « au profit des assureurs privés et des mutuelles ». Dans nos colonnes, l’économiste Didier Tabuteau ne dit pas le contraire (lire page 4).Des organismes complémentaires qui ne trouvent pas leur compte, lassés de devoir subir les transferts de dépenses en payeurs aveugles. La Mutualité française, qui fédère 700 mutuelles santé, fait savoir qu’elle ne saurait accepter une baisse des remboursements du régime obligatoire qui pèsera in fine sur les ménages à hauteur de 500 millions d’euros. Dans « Le Figaro » daté du 17 septembre, Jean-Pierre Davant prévient que les cotisations augmenteront de 8 à 10 % l’an prochain.

Brèches 

Paradoxalement, ce plan soulève des critiques contraires. D’un côté, on constate justement qu’il n’est pas à la hauteur des enjeux. Le gouvernement ferait du colmatage. De fait, les mesures procureront au mieux 2,5 milliards d’euros à la branche maladie en 2011 contre un déficit cinq fois supérieur (plus de 12 milliards d’euros). D’où les appels nombreux à des mesures structurelles : réforme du financement, suppression des niches sociales, réorganisation de la médecine de ville, homogénéisation des pratiques… De l’autre, le gouvernement se voit accuser de s’attaquer à des tabous : le tri des dépenses au sein du régime ALD ; la pharmacopée de tous les Français (vignettes bleues) ; le ticket modérateur à l’hôpital ; mais aussi la prise en charge du « petit risque »...

C’est la méthode chère à Raymond Soubie pour qui il n’y aura pas de grand soir de la Sécurité sociale (la réforme qui règle tout) mais un ajustement progressif du niveau de socialisation, seule condition de la réforme acceptable. Pour ce député UMP, « on se situe encore dans un plan de transition pour l’assurance-maladie mais c’est aussi une pédagogie de l’effort ».

 CYRILLE DUPUIS

Source : Le Quotidien du Médecin: 8818