Q UATRE types de complications neurologiques et neurocognitives ont été décrites dans les suites des pontages coronariens : des accidents vasculaires cérébraux, des délires postopératoires, des modifications des fonctions cognitives à court terme et à long terme. Parmi les facteurs de risque d'AVC : le grand âge, l'hypertension, le diabète et les affections vasculaires avérées. Les délires postopératoires touchent de 10 à 30 % des patients et semblent liés aux médicaments anesthésiques.
Si les changements cognitifs immédiatement postopératoires ont été bien étudiés, il n'en est pas de même pour ceux survenant à long terme. Ainsi, les cardiologues savent qu'un grand nombre de leurs patients coronariens se plaignaient de ne « plus se sentir les mêmes » après l'intervention, mais les plaintes des malades et de leurs familles - problèmes d'orientation dans l'espace, difficulté au calcul mental et à la réalisation d'actions complexes - n'avaient, jusqu'à présent, pas fait l'objet d'études cliniques.
Afin de mieux caractériser ces notions, une équipe de cardiologues et de chirurgiens cardiaques de Caroline du Nord a procédé, chez 261 patients coronariens, à des tests cognitifs avant pontage, et ils les ont comparés à des tests similaires effectués lors de la sortie de l'hôpital, puis à six semaines, six mois et cinq ans.
Mémoire, test arithmétique, reconnaissance visuelle
Les investigateurs ont soumis les coronariens à une batterie de tests évaluant les fonctions cognitives : mémoire immédiate, test arithmétique, aptitude à la reconnaissance visuelle, etc. Une variation d'une déviation standard d'au moins un des tests a été considérée comme valeur significative de la baisse des performances cognitives.
« Un déclin des performances a été mis en évidence chez 53 % des patients en postopératoire immédiat, ce chiffre n'était plus que de 36 % à six semaines, de 24 % à six mois, mais il remontait à 42 % cinq ans après l'intervention », analyse le Dr Mark Newman, premier signataire. Les auteurs ont pu déterminer des facteurs prédictifs de la baisse des fonctions cognitives à cinq ans : résultats supérieurs à l'entrée dans l'étude, niveau d'éducation plus bas et baisse plus importante des fonctions cognitives au moment de la sortie de l'hôpital. En revanche, d'autres variables ne peuvent pas être considérées comme des facteurs prédictifs significatifs d'une baisse des fonctions cognitives à long terme : le sexe, la durée de mise sous circulation assistée et de clampage de l'aorte au cours de l'intervention. La valeur de la fraction d'éjection ventriculaire approche la significativité, indiquant que les sujets qui souffrent d'une insuffisance cardiaque seraient plus enclins à présenter une baisse des fonctions cognitives à long terme.
Micro-embols ? Ischémie préexistante ?
Dans un éditorial, les Drs Ola Selnes et Guy McKhann (hôpital Johns Hopkins, Baltimore) proposent d'attribuer ces variations soit à une série d'événements liés à l'intervention chirurgicale elle-même (migration de micro-embols à partir d'artères athéroscléreuses), soit à un effet de l'âge, soit à une ischémie cérébrale silencieuse préexistante (des examens par IRM préopératoires peuvent, chez un grand nombre de coronariens, mettre en évidence des signes d'ischémie subcortical), soit, enfin, à un effet propre de la chirurgie chez les personnes âgées. Pour les éditorialistes, « la spécificité de ces résultats ne pourra être établie qu'après la mise en place d'une étude longitudinale comparant le devenir de patients pontés et de coronariens ne subissant pas d'intervention chirurgicale ».
Enfin, cette étude pourrait avoir des implications thérapeutiques en favorisant le développement d'essais cliniques fondés sur l'utilisation de substances neuroprotectrices au cours de ce type d'interventions chirurgicales.
« New England Journal of Medicine », vol. 344, n° 6, pp. 395-401 et 451-452, 8 février 2001.
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