Brève

Pourquoi lire Bernard de Clairvaux

Par
Publié le 12/12/2019
culture

culture

Comment retisser les liens avec un héritage littéraire qui s’est transmis jusqu’au XIXe siècle et aujourd’hui abandonné aux seuls exégètes ? Et pourquoi lire une anthologie composée d’écrits spirituels du Moyen Âge ?

Dans ce moment compris entre la seconde moitié du XIe siècle et le début du XIIIe siècle se produit alors, on n’ose écrire révolution, du moins un retour à un idéal apostolique à l’image des Pères du désert où la transcendance, l’expérience intime de la foi exigent de suivre un chemin nouveau balisé par la lecture. C’est là une aventure nouvelle où nous explique Cédric Giraud, l’éditeur de cet ouvrage qui a réalisé là et sans jeu de mots un travail de bénédictin : « L’homme apprend à rechercher Dieu au moyen d’un genre littéraire inédit, la méditation, une forme textuelle courte qui illumine l’intelligence tout en enflammant la sensibilité », avant de sortir des cloîtres et d’atteindre les laïcs. Certes, le lecteur contemporain est mené par d’autres feux. Mais l’intérêt de ces lettres et sermons ne se résume pas à leur seule valeur documentaire. Prenons l’exemple des deux sermons retenus dans cette anthologie de Bernard de Clairvaux sur le Cantique des Cantiques. Les lectures d’aujourd’hui y compris chrétiennes ne retiennent plus cette interprétation métaphorique où l’épouse, la bien-aimée doit être lue comme l’image de l’Église. On y goûte plutôt les odeurs et les sens d’une prière érotique et d’une vive ode aux plaisirs charnels.

Mais le lecteur de la Pléiade peut également être ravi par le sens spirituel où l’épouse dans le cellier du vin ne serait pas ivre de vin mais d’amour « si ce n’est que l’amour est un vin », explique saint Bernard. Dans cet entrelacs entre images et interprétation et ces torsions de sens, il y a aussi une ivresse du lecteur s’il consent à s’abandonner, et à prendre au mot ces pages issues d’un continent presque englouti et qu’il est urgent de sauver.

Écrits spirituels du Moyen Âge, édition établie par Cédric Giraud, bibliothèque de la Pléiade, éd. Gallimard, 1 264 pp., 58 euros.


Source : lequotidiendumedecin.fr