Brève

Préférez-vous Stendhal ou Hugo ?

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Publié le 17/10/2019
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À quoi sert la littérature ? Sous couvert de procéder à la désignation du plus grand écrivain français, un sport national devant l'ampleur du choix, Régis Debray dessine un portrait à charge tout en finesse, excusez l'oxymore, de l'époque. Inspiré par son sujet, l’esprit gicle à chaque page. C’est aussi un manuel de savoir-vivre à l’heure où la société n’existe pas et où l’individu seul a le droit de cité. Le cynisme triomphe. Pourquoi s’en étonner ? Et avouons-le, comme le suggère l’auteur, comment ne pas reconnaître « un complexe d’infériorité envers les souples d’esprit qui[..] doivent au fait de ne croire en rien sinon en eux-mêmes, l’atout maître une disponibilité, une aisance au nouveau monde qui font toujours un peu envie ». C’est enfin un opuscule politique. Dites-moi quel est votre écrivain préféré, et je devinerai quel bulletin vous glisserez dans l'urne aux prochaines élections. Ainsi donc la société dite civile aurait élu Stendhal comme le grand écrivain national. Ce sacre a d’ailleurs été sanctifié par la photo officielle d'Emmanuel Macron où l'on reconnaît posé sur le bureau présidentiel le Rouge et le Noir en Pléiade. Mais cette désignation a-t-elle encore un sens ? à l'heure de Snapchat dominant où l'image a terrassé le livre et où « l'imprimé a cessé d'imprimer », diagnostique Régis Debray. En tout cas en France le génie national s’incarne encore dans la littérature. Et Stendhal serait donc le héros de ceux qui nous gouvernent. Mais alors, oublié la fraternité de Hugo, les cris des Misérables entendus partout dans le monde y compris à Broadway ? La reconnaissance de dettes à l’égard du père Hugo, l’exercice d’admiration, sont peut-être moins brillants, disons-le, que le réquisitoire. Mais quelle belle plaidoirie pour la littérature en général et le (bel) esprit du peuple en particulier.

 

Du génie français, Régis Debray, éd. Gallimard, 121 pp., 14 euros.


Source : lequotidiendumedecin.fr