LE BIEN fait peu de bruit, c’est bien connu. Les adoptions réussies ne sont pas celles dont on parle le plus. Celles qui virent au drame familial et individuel, si elles ne sont pas les plus nombreuses, existent pourtant bel et bien. Les spécialistes de l’adoption à travers le monde estiment à 15 % environ les échecs objectifs de cette démarche (deuxième abandon ou rupture de tout lien affectif avec les parents adoptifs), à quoi il faut ajouter ceux qui ne sont pas reconnus. Prévenir de telles catastrophes passe, entre autres, par le respect des multiples et successives étapes juridiques et psychologiques de l’adoption et de certaines règles psychologiques élémentaires. Pierre Lévy-Soussan, responsable de la première consultation pédopsychiatrique spécialisée en matière d’adoption nationale et internationale, les analyse et expose les bases de la prévention des échecs.
Clarifier les motivations.
La motivation de l’adoption conditionne en grande partie le succès : il faut adopter pour construire une famille, créer une filiation et non pour renforcer un couple défaillant, obtenir un gain narcissique, réparer le passé, revendiquer un droit, voire pour un motif humanitaire, explique l’auteur. L’accompagnement des parents avant et après l’adoption permet, entre autres choses, d’assumer la violence inhérente à la démarche. Malheureusement, analyse le psychiatre et psychanalyste, « les destins de l’adoption sont étroitement liés aux espérances mais aussi aux errances de notre siècle » sur le mode « Un enfant quand je veux si je veux », dans une logique individualiste.
Les multiples exemples qu’il évoque le confirment : la maltraitance naît de l’inadéquation, du fantasme, de l’inadaptation. Le simple « désir d’enfant » ne suffit pas ; l’enfant adopté ne doit pas être « un objet dont on dispose et que l’on attribue ». De plus, l’adoption ne peut pas se faire dans l’urgence, comme en témoignent les catastrophes générées par l’adoption des enfants victimes du séisme en Haïti. Elle ne devrait d’ailleurs plus être possible à partir de pays n’ayant pas signé la Convention de La Haye et n’offrant pas les garanties juridiques et psychiques indispensables, déplore l’auteur. Parfois pourtant, un « projet reste sourd à toutes remarques, aveugle à toutes limites, muet sur sa propre genèse ». C’est particulièrement dans ces situations familiales à haut risque d’échec que « le doute devrait toujours profiter à l’enfant », de façon à lui épargner le rôle d’expérimentateur, souligne Pierre Lévy-Soussan.
L’adoption, une aventure.
Toujours cruel, l’abandon permet parfois un destin autre que celui d’un impossible familial. Celui de l’adoption par exemple, à condition d’avoir identifié les facteurs de risque susceptibles de mener à l’échec, d’éviter certains obstacles, de prévenir, au fur et à mesure, les situations de rejet ou d’impasse aussi douloureuses pour les parents que pour les enfants. Bref d’assumer au mieux la complexité de l’aventure et d’améliorer le cheminement vers l’enfant. Si ce chemin prend des voies illégales (le scandale de l’Arche de Zoé en est une caricature), des voies inadaptées ou des voies de traverses, l’enfant ne cessera de rappeler, consciemment ou inconsciemment, cette transgression à ses parents. Le renforcement de la sélectivité des procédures d’agrément, peu exigeante en France malgré la longueur de la procédure, est sans doute nécessaire, comme l’adaptation de la loi. À cet égard, la loi de 2002 « relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l’état » a eu un effet très délétère et sidérant pour les parents adoptants explique le pédopsychiatre. Comme si le lien filiatif entre parents adoptants et enfants était « secondaire, de remplacement, par défaut ».
Pierre Lévy-Soussan, « Destins de l’adoption », Fayard / Psy, 326 p., 21,50 euros.
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