Portait et témoignage

Quand un chirurgien s’occupe du corps municipal

Publié le 15/06/2009
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TOUT JUSTE sorti d’un hôpital de la région parisienne où il a terminé son internat, Daniel Cache, chirurgien de 30 ans, arrive avec femme et enfants au printemps 1942 à Saint-Hilaire-du-Harcouët, petite bourgade située au carrefour de la Normandie, de la Bretagne et des pays de Loire, à quelques encablures du Mont-Saint-Michel. Pas facile de s’installer pendant la guerre et l’occupation allemande ; encore moins quand il s’agit de créer de toutes pièces un hôpital avec un service de chirurgie là où il n’y avait qu’un petit hospice local ! Pas simple non plus de mener de front une activité professionnelle éprouvante tout en participant activement à la vie sociale dans une période aussi troublée.

Le jeune chirurgien, qui aurait pu se contenter d’être un simple notable au sein de cette petite ville bourgeoise de 4 000 habitants, va choisir de s’engager dans la Résistance, discrètement mais efficacement, à la fois dans son activité professionnelle, en pratiquant des interventions de chirurgie esthétique pour soustraire des compatriotes aux recherches de la Gestapo, mais aussi en dirigeant un réseau local. En 1944, les 4/5 es de Saint-Hilaire, qui se retrouve au milieu de la percée américaine et de la contre-attaque de Mortain, sont détruits. Aussi intéressé par l’urbanisme que passionné par l’avenir social de sa ville, parvenant à fédérer les bonnes et moins bonnes volontés de cette bourgade vivant essentiellement jusque-là de l’agriculture et de sa foire rurale, Daniel Cuche est élu maire en 1945 (il le demeurera trente ans) et reconstruit sa ville.

Les anecdotes émaillant le récit de cette reconstruction, de la visite du Général de Gaulle pour inaugurer la première maison de cette « ville à la campagne », selon les mots du Dr Cuche, à la lutte contre le centralisme parisien en passant par les querelles locales pour la construction d’un abattoir, sont autant de clefs permettant de comprendre les obstacles qu’a dû surmonter ce chirurgien « exemple de la méritocratie républicaine » pour mener cette entreprise. Autant d’éléments aussi pour saisir les difficultés de la vie en collectivité et l’utilité de l’inventivité, de la curiosité et de l’intelligence relationnelle. En concentrant son récit sur les années 1942-1950, Jean-Louis Cuche ne livre pas seulement un émouvant portrait de son père mais aussi un encourageant rappel des vertus du sens de la collectivité et de l’ardeur professionnelle. Le bien fait rarement beaucoup de bruit ; il mérite qu’on lui prête parfois l’oreille.

Jean-Louis Cuche, « l’Empreinte d’une générosité », Dr Daniel Cuche 1942-1950 », Éditions de la Sélune (1 004, rue de la République,

50600Saint Hilaire du Harcouët), 126 pages,12 euros.

Dr CAROLINE MARTINEAU

Source : lequotidiendumedecin.fr