Induction de l’ovulation

Quelle pratique chez les gynécologues libéraux ?

Publié le 27/05/2009
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EN THÉORIE, la pratique de l’induction de l’ovulation ne devrait pas différer, qu’elle soit pratiquée en ville ou dans les centres spécialisés exerçant également l’assistance médicale à la procréation (AMP). Cependant, il est licite de s’interroger sur la réalité quotidienne de cette pratique. En effet, la politique de santé en matière de prise en charge de l’infertilité a abouti depuis plusieurs années, au regroupement de médecins très spécialisés dans des centres agréés, qui prennent en charge les couples demandeurs. Cette évolution a eu un effet positif, parallèlement à la réglementation de l’AMP, en permettant de mieux protocoliser l’utilisation des traitements inducteurs de l’ovulation et de limiter les grossesses multiples, dont le nombre croissant avait inquiété les autorités de tutelles à la fin des années 1990. Mais un effet d’aspiration par des centres agréés, éloignant la patientèle des praticiens de ville, était à craindre.

C’est pour répondre à ces interrogations que l’équipe du Pr Bernard Hédon a mis en place une enquête de pratique auprès des gynéco-obstétriciens libéraux de la région Languedoc-Roussillon. La bonne participation à cette enquête, avec un taux de réponse de 83,4 %, a permis de montrer une implication persistante de la majorité des praticiens de ville dans la prise en charge de l’infécondité par anomalies de l’ovulation. Parmi les 171 réponses obtenues, 150 continuent de prescrire des traitements d’induction de l’ovulation. Les deux tiers (101) prescrivent également des gonadotrophines en cas d’échec du citrate de clomifène et 94 réalisent eux-mêmes les échographies de monitorage.

Une pratique en réseau.

Le souci de la qualité des soins transparaît dans le nombre important de praticiens participant à des réunions de staff (50), ou appartenant à un réseau organisé (71). Cette pratique « affiliée » représente 50 % des prescriptions de citrate de clomifène et 62,3 % de celles de gonadotrophines. Elle permet une discussion collégiale des dossiers et le suivi de protocoles individualisés, afin de garantir aux patientes un suivi de qualité.

Ce bon suivi des indications et des modalités de prescriptions des différents traitements a permis de réduire considérablement ces dernières années le risque de grossesses multiples et d’hyperstimulation ovarienne. En effet, rappelle le Pr Hédon, « la pratique de l’induction de l’ovulation doit respecter certains fondamentaux ». En premier lieu, il est important de distinguer l’induction de l’ovulation, qui recherche une mono-ovulation, de la stimulation ovarienne, réalisée afin d’obtenir une ovulation multiple dans le cadre d’une AMP. Les protocoles d’utilisation des médicaments sont différents selon le but recherché, et une terminologie imprécise pourrait conduire à un mauvais usage des traitements.

L’indication de l’induction est un désir de grossesse chez une femme présentant une infécondité par anomalies de l’ovulation. Elle ne doit pas être prescrite abusivement, car il est démontré qu’elle n’augmente pas les chances de grossesse d’une femme ovulant normalement. Ceci implique que tout traitement inducteur de l’ovulation doit être précédé d’un bilan étiologique, appréciant la cause de l’infécondité et la nature de l’anomalie de l’ovulation. La plus fréquente des étiologies est le syndrome des ovaires polykystiques.

Respecter les protocoles de prudence.

Le citrate de clomifène est le traitement inducteur de l’ovulation de première intention, à l’exception des insuffisances ovariennes et des aménorrhées centrales. Il n’existe pas de protocoles de prescription validés par la littérature, mais plutôt des habitudes d’usage. Il est de prescription simple, ne nécessite pas de traitement adjuvant, ni de monitorage de l’ovulation. Une étude des cycles est cependant utile pour évaluer son efficacité. Une augmentation des doses peut être nécessaire avant de conclure à une résistance au citrate de clomifène, et de proposer le traitement de « deuxième degré » que sont les gonadotrophines.

Les protocoles d’administration des gonadotrophines ont fait l’objet de nombreuses études. Dans le cadre d’une induction de l’ovulation, la prudence est la règle, particulièrement en cas de syndrome des ovaires polykystiques qui répondent très fortement à l’induction. Les protocoles lents maintiennent la dose de départ pendant une semaine, avant d’augmenter progressivement les doses par paliers successifs prolongés. Un monitorage précis permet de surveiller le risque de syndrome d’hyperstimulation et de grossesse multiple. Il est déconseillé de procéder au déclenchement de l’ovulation par administration d’hCG ou de LH, lorsqu’il y a plus de trois follicules en état d’ovuler.

« En définitive, conclut le Pr Hédon, les résultats de cette enquête sont très rassurants et permettent de montrer qu’une nouvelle réglementation concernant l’induction de l’ovulation, comme elle a pu être envisagée par les autorités de tutelle, n’est pas nécessaire. La pratique de ces traitements continue de se faire en ville de façon raisonnable et encadrée, sans les effets négatifs qu’aurait une telle réglementation sur l’organisation et l’accessibilité des soins. »

* D’après un entretien avec le Pr Bernard Hédon, département de médecine et biologie de la reproduction, CHU Arnaud-de-Villeneuve, Montpellier.

 Dr CAMILLE CORTINOVIS

Source : lequotidiendumedecin.fr