Anémie d’origine rénale

Quelles nouveautés thérapeutiques ?

Publié le 29/03/2018
anémie origine rénale

anémie origine rénale
Crédit photo : Phanie

Ces dernières années ont vu l’émergence du concept de carence martiale fonctionnelle comme facteur important d’anémie chez le patient insuffisant rénal. La carence fonctionnelle en fer est caractérisée par un défaut de disponibilité du fer et est sous la dépendance de l’hepcidine. Cette protéine de synthèse hépatique régule l’expression membranaire de ferroportine sur la membrane des hépatocytes, des entérocytes et des macrophages. En cas d’anémie, la synthèse d’hepcidine est inhibée et l’expression de ferroportine est stimulée, favorisant ainsi la libération de fer dans la circulation. L’insuffisance rénale chronique est associée à une augmentation des concentrations sériques d’hepcidine et, par conséquent, à un excès de séquestration intra-cellulaire du fer. 

Des alternatives thérapeutiques novatrices

Ces nouvelles données physiologiques constituent en grande partie la justification du développement de nouvelles approches thérapeutiques. Les thérapies alternatives aux rhEPO peuvent être divisées en 2 grandes familles :

1-      Les agents ciblant le récepteur de l’EPO, allant des anticorps monoclonaux agonistes jusqu’à la thérapie génique (transfection ex vivo par un vecteur viral du gène de l’EPO dans des cellules du derme qui sont secondairement réinjectées au patient – TARGT EPO), en passant par des protéines de fusion EPO-fragment Fc d’immunoglobuline humaine ou des peptides mimant l’EPO.

2-      Les agents ne ciblant pas directement le récepteur à l’EPO, avec à côté des piégeurs de l’activine (sotatercept et lutatercept) et des anticorps anti-hepcidine, des molécules dont le développement clinique est de loin le plus actif et le plus avancé : les stabilisateurs de HIF. 

La voie des stabilisateurs de HIF

Le facteur induit par l’hypoxie (Hypoxia Induced Factor, HIF) est un hétérodimère constitué d’une sous-unité ß constitutive et d’une sous-unité  inductible et régulée par une enzyme, la prolyne hydroxylase, dont l’activité catalytique est elle-même contrôlée par l’oxygène. Dans un contexte de carence en O2, la prolyne hydroxylase est désactivée et ne dégrade plus la sous-unité qui peut alors se coupler avec la sous-unité ß et ainsi former le complexe HIF opérationnel qui, en retour, régule la transcription de nombreux gènes impliqués dans l’érythropoïèse (activation des gènes de l’EPO, du récepteur de l’EPO, des transporteurs du fer, et inhibition du gène de l’hepcidine). Les stabilisateurs de HIF agissent comme des inhibiteurs de la prolyne hydroxylase et reproduisent une situation de carence tissulaire en O2.

Par rapport aux rhEPO, les stabilisateurs de HIF présentent plusieurs avantages théoriques. Ils induisent une sécrétion d’EPO endogène, à des concentrations physiologiques (beaucoup plus basses que celles observées avec les rhEPO) et de manière relativement stable (absence des pics de concentration observés avec les rhEPO). Par ailleurs, ils pourraient constituer une approche beaucoup plus pertinente, ciblant les différents mécanismes impliqués dans l’anémie de l’insuffisant rénal. La plus grande inquiétude concernant les stabilisateurs de HIF réside dans leur propriété pro-angiogénique (en favorisant la transcription du gène codant pour le VGEF) susceptible de stimuler la croissance tumorale. 

Une efficacité prometteuse à l’étude

Au moins 4 stabilisateurs de HIF différents sont en cours de développement avancé (essais de phase III). Les phases initiales de développement ont montré que les stabilisateurs de HIF administrés par voie orale (une autre différence avec les rhEPO) sont efficaces pour corriger l’anémie chez le patient insuffisant rénal en pré-dialyse ou dialysé. Les données disponibles suggèrent que ces agents auraient même une efficacité supérieure aux rhEPO en cas de syndrome inflammatoire concomitant. Une réduction des taux circulants d’hepcidine sous stabilisateurs de HIF est régulièrement rapportée dans les études de phase II. Moins anticipée, une diminution de la cholestérolémie est également observée sous stabilisateurs de HIF.

Les résultats des premières études de phase III sont attendus avec impatience pour le deuxième semestre 2018. Il faut néanmoins noter, qu’en raison d’une durée de suivi relativement brève, ces études ne seront que peu informatives sur un éventuel surrisque de complications néoplasiques.

CHU de Saint-Etienne

Pr Christophe Mariat

Source : Bilan Spécialiste