Expertise psychiatrique

Quels nouveaux défis?

Publié le 15/12/2016
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L'expertise psychiatrique représente un exercice essentiel. Permettre au juge d’orienter l’auteur d’une infraction atteint de troubles mentaux vers des soins plutôt que vers une sanction pénale demeure un pilier humaniste de notre démocratie.

La discussion médicolégale portée par la démarche psycho-criminologique est un temps important du procès pénal. Alors que l’expertise psychiatrique est souvent requise – notamment du fait des injonctions du législateur, le nombre de décisions d’irresponsabilité pénale pour raison psychiatrique (art. 122-1 du Code pénal) est faible au vu du nombre de dossiers traités. Les troubles mentaux sont quant à eux surreprésentés dans la population carcérale : 80 % des détenus présentent au moins un trouble psychiatrique.

Une menace de dissolution

Or, l’état actuel de l’expertise est alarmant : la démographie est péjorative avec un nombre d’inscrits sur les listes de cours d’appel en baisse ; les vocations sont rares, le compagnonnage restreint, la formation pas toujours lisible ; et les conditions de rémunération sont dissuasives.

Aussi, la menace d’une dissolution de la haute spécificité de l’expertise psychiatrique dans des pratiques hybrides (expertises psychiatriques confiées à des médecins généralistes, légistes ou à des psychologues, professionnalisation de « serial experts » déconnectés de la pratique clinique courante) progresse.

En outre, le cadre juridico-administratif de la pratique de l’expertise pour les médecins aux statuts fiscaux variables est insécurisant, les psychiatres libéraux se trouvant particulièrement peu incités à cet exercice. L’année 2016 a donné lieu à un tohu-bohu : le décret du 30/12/2015 imposait à tous de s’affilier au régime social des indépendants, avant qu’un décret modificatif du 02/06/2016 ne corrige cela, permettant aux salariés de poursuivre leur activité de collaborateur occasionnel du service public. S’en est suivi une concertation menée par la compagnie des experts psychiatres et l’Association nationale des psychiatres experts judiciaires portant sur une revalorisation à venir du statut et des honoraires des experts.

Vers une nouvelle ère de l'expertise

Ceci ne peut toutefois pas cacher les questions épistémologiques qui se posent. La place des neurosciences, les articulations avec les sciences sociales, l’augmentation de la rigueur scientifique et de la reproductibilité des expertises sont les défis d’une nouvelle ère de l’expertise. La récente création d’une section de psychiatrie légale au sein de l’Association Française de Psychiatrie Biologique et de Neuropsychopharmacologie (AFPBN) est un signal fort. De plus, la communauté des experts et celle des universitaires de psychiatrie s’engagent dans la dynamisation de la psychiatrie légale. Ainsi, l’animation d’un groupe thématique sur la formation et l’enseignement de l’expertise et le design d’une option de psychiatrie légale dans la réforme du DES permettront une sensibilisation et un enseignement pour les jeunes psychiatres. Enfin, la recherche clinique en ce domaine se développe, en s’appuyant sur des réseaux d’experts, et laisse augurer un avenir enthousiasmant.

(1) Angers
(2) Le Mans

Dr Nidal Nabhan-Abou (1) et Dr Manuel Orsat (2)

Source : Bilan Spécialiste