E N acceptant de reconduire jusqu'en 2002 le financement de la retraite complémentaire à 60 ans, et en demandant au gouvernement de réformer l'ensemble des régimes de retraite du secteur privé et du secteur public, le patronat reconnaît deux points essentiels : que la réforme ne peut venir exclusivement des partenaires sociaux ou à partir d'un projet du Medef ; et qu'il ne pouvait assortir ses propositions d'une menace qui ressemblait à une provocation.
Mais en choisissant cette porte de sortie qui rétablit la sérénité dans les syndicats, sauf la CGT, le patronat renvoie le gouvernement à ses responsabilités. Il montre que la réforme ne saurait être retardée pour des raisons électorales et qu'il y a donc urgence à agir.
Tout le monde n'est pas d'accord et beaucoup, notamment à gauche, estiment que le problème du financement des retraites ne sera pas aigu avant plusieurs années, ce qui laisserait amplement le temps de réfléchir à une réforme.
Volontairement ou non, ceux qui sont de cet avis servent les intérêts immédiats du Premier ministre. M. Jospin ne différerait pas la réforme s'il ne la savait impopulaire et elle ne serait pas impopulaire si le patronat avait tort. On ne peut maintenir le niveau de vie des retraités que si on augmente les cotisations, ce qui semble exclu parce que les prélèvements sont déjà trop élevés, ou si on augmente la durée du travail. En France, il ne faut pas beaucoup de temps pour qu'une mesure relativement récente comme la retraite à 60 ans (elle remonte à 1982 seulement) devienne un tabou. Les sondages montrent que les Français y sont attachés à une très grande majorité, et qu'ils se moquent des effets pervers du système : l'Etat n'a qu'à trouver l'argent.
M. Jospin sait trop bien, pour en avoir profité en 1997, ce qu'il advient à un gouvernement, comme celui d'Alain Juppé, qui ajuste ses dépenses à ses ressources. La droite ne s'est pas encore relevée de son effondrement il y a quatre ans. Le risque politique que prendrait le Premier ministre pour ne pas reculer devant l'obstacle est donc immense. Mais en même temps, on peut s'inquiéter de ce diktat des urnes qui rend inapplicable, dans un pays démocratique, tout projet fondé sur la nécessité. Le peuple n'est pas forcément sage qui, souvent, récuse les options pragmatiques.
On ne peut pas, pour autant, exonérer ceux qui nous gouvernent sous le prétexte qu'ils ont les couardises de M. Toutlemonde. Diriger un pays, c'est d'abord lui parler le langage de la vérité. La retraite à 60 ans ne peut pas être offerte indistinctement à tous, mais uniquement à ceux qui accomplissent les tâches pour lesquelles la formation est plus courte et qui, en conséquence, commencent à travailler plus tôt que ceux qui font de longues études. Nous l'avons démontré à plusieurs reprises dans ces colonnes et nous n'y reviendrons pas. Le leadership consiste non pas à se faire élire mais à assumer toutes ses responsabilités une fois qu'on a été élu.
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