Santé des migrants : le comité d'éthique prend la défense de l'AME

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Publié le 16/10/2017
CCNE

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Le comité consultatif national d’éthique rendait lundi matin son avis sur la santé des migrants. Un avis qui rejoint les rapports récents du Pr Spira pour l’Académie de médecine ou du Défenseur de droits sur la « situation des exilés de Calais ». En préalable, le CCNE est clair sur un point : « ils ne constituent nullement une menace, ni sur le système de soins, ni sur notre organisation sociale ». À côté de ça, l’institution dresse un bilan mitigé de la façon dont la santé des migrants a été gérée jusqu’à maintenant. « Il y a eu de la bonne volonté de la part de certains acteurs mais on peut faire mieux » souligne ainsi le Pr Delfraissy, président du CCNE. En effet dans l’avis il est souligné que « le CCNE a acquis la conviction que la généralité des efforts a reposé longtemps et principalement sur le bon vouloir des associations caritatives ». Un constat qui pousse l’institution a alerter sur un risque de « droit de l’hommisation de l’accès aux soins », « il faut que l’associatif soit supplétif et pas essentiel » insiste Jean-Marie Delarue co-rapporteur de l’avis.

Refus de soin et hostilité

Une des exigences éthiques posée par le CCNE est donc celle « de l’accueil et de la prise en compte des personnes migrantes (…) en particulier à l’hôpital ». Le CCNE préconise en effet de revoir l’accueil et la mobilisation du système hospitalier. « À l’hôpital il y a pu parfois y avoir des conflits entre la patientèle régulière et les migrants » note Jean-Marie Delarue, avec des réactions d’hostilité des premiers notamment. L’avis fait aussi état d’« allégations de refus de prise en charge ». Bertrand Weil co-rapporteur de l’avis, reconnaît qu’ils n’ont pas de chiffres sur cet aspect. « Du temps où j’exerçais, l’idée qu’on puisse ne pas prendre en charge quelqu’un était totalement insupportable, le fait que cela puisse apparaître aujourd’hui parfois comme normal, nécessite pour le CCNE de tirer la sonnette d’alarme ».

Pour faciliter l’accès aux soins de ces populations, l’avis du CCNE recommande également de rendre plus visible les PASS (permanence d’accès aux soins de santé) à l’hôpital. D’un hôpital à l’autre le dynamisme des PASS peut varier fortement constate le CCNE. « Il semble bien que l’attribution de leurs moyens humains, matériels et financiers dépend grandement du bon vouloir et de l’implication de la direction de l’hôpital dont elles dépendent, directions n’ayant pas toujours la conviction que les PASS entrent réellement dans leur cœur de métier » souligne l’avis.

Simplifier l'AME

Concernant l’AME, l’institution se prononce très clairement contre sa suppression : « l’année dernière elle n’a coûté que 0,16% de nos dépenses de santé » précise M Delarue, qui pointe en revanche du doigt des « exigences hors de toute réalité » pour sa mise en place. Il évoque notamment la demande pour pouvoir en bénéficier de présenter un certificat de domicile, chose impossible pour les migrants. La complexité administrative autour de l’AME, monopolise le temps des assistants sociaux qui ont du coup moins de temps pour les migrants mais aussi les autres patients. « Il faut une plus grande simplicité et fluidité autour de l’AME » recommande ainsi Bertrand Weil. Ces réflexions du CCNE sur l’accès aux soins des migrants, tombent d’ailleurs le même jour que le rapport de Médecins du Monde qui souligne les difficultés persistantes des plus précaires en France pour se faire soigner.  

Manquement à la dignité

Autre rappel du CCNE : le respect de la dignité des personnes. Et sur ce point, comme l’a fait le Défenseur des droits récemment avant lui, le CCNE pointe du doigt les conditions d’existence des migrants, notamment à Calais et Grande-Synthe, qui n’ont « pas satisfait aux notions minimales de dignité, ni ontologique, ni personnelle de chacun ». « Elles ont tourné le dos à la dignité la plus élémentaire des personnes ». L’avis met directement en cause l’attitude des pouvoirs publics dans certaines situations. « Les pouvoirs publics n’ont pas seulement été indifférents (…) leur seule volonté a été longtemps de rendre « invisible » ce qui ne l’était pas suffisamment ». Ces conditions peuvent avoir une influence directe sur la santé des migrants.

Le CCNE souligne que, si on excepte les traumatismes psychiques et mentaux, la santé physique des migrants ne peut être qualifiée globalement de mauvaise. Mais l’institution note toutefois que les conditions sanitaires dans lesquelles sont maintenus les migrants peuvent avoir en revanche des conséquences dramatiques. « Dans ces conditions, la puissance publique se trouve impliquée dans le fait que les migrants peuvent contracter des affections morbides du seul fait de leur présence sur notre territoire ». Les violences faites aux femmes et aux mineurs isolés présentes tout au long du parcours des migrants peuvent aussi être amplifiées selon les conditions d’existence.

Le CCNE appuie également sur la nécessité de prioriser les actions destinées à assurer le bien-être des migrants avec en priorité la mise à l’abri des personnes. Il met enfin l’accent sur l’importance des besoins en traduction. « C’est un problème majeur et souvent non financé, la variable d’ajustement des budgets » note Bertrand Weil.  


Source : lequotidiendumedecin.fr