L E Premier ministre israélien, Ariel Sharon, a nommé vingt-cinq ministres et vice-ministres appartenant à plus d'une demi-douzaine de formations politiques. Il lui faut un gouvernement d'environ 40 personnes pour avoir, à la Knesset, une majorité de 73 sièges sur 120, presque un ministre pour deux voix de député.
On se demande, forcément, ce qui peut bien sortir d'une formation kaléidoscopique où les conflits de tendances vont apparaître dès les premiers jours de l'action gouvernementale. Mais M. Sharon devait résoudre plusieurs problèmes et il y est parvenu pour le moment.
1) La Knesset, élue à la proportionnelle absolue, est ingouvernable : le nombre de partis qui y sont représentés est tel que les combinaisons de partis peuvent produire une quantité infinie de majorités. Le Premier ministre israélien devait se donner les moyens de surmonter toute crise parlementaire en introduisant dans sa coalition autant de partis que possible. Il a donc contourné, mais certes pas éliminé, l'obstacle parlementaire.
2) Il a fourni a posteriori la preuve (certes fragile) que des élections anticipées ne sont pas nécessaires. Benyamin Netanyahu a refusé de se porter candidat au poste de Premier ministre si des élections législatives n'avaient pas lieu simultanément. M. Sharon n'a pas posé cette condition et, donc, triomphe aujourd'hui contre son rival du Likoud.
3) Sa coalition est de nature à rassurer momentanément les Israéliens qui réclament une direction ferme pour le pays et que les querelles byzantines cèdent le pas aux décisions urgentes, notamment pour combattre le terrorisme.
4) M. Sharon va bénéficier d'un temps de répit parce que les ministres de la coalition ont un dénominateur commun, celui du retour au calme et à la sécurité. Aucun politicien ne peut aujourd'hui gouverner Israël s'il ne démontre qu'il travaille d'abord pour la sécurité.
5) Pour la première fois, un Arabe a été nommé ministre et quatre femmes font partie du gouvernement. M. Sharon, âgé de 73 ans, montre ainsi qu'il est de son temps.
Les inconvénients de l'union nationale apparaîtront plus tard, mais bientôt quand même. D'abord, les moyens de lutte contre le terrorisme sont limités et n'empêcheront pas quelques bombes d'exploser encore. Aujourd'hui, prendre le bus, l'attendre à une station, aller faire ses courses en ville sont, pour les Israéliens des questions de vie ou de mort. Le Hamas ne se contente pas de multiplier les menaces, il est passé à l'acte à plusieurs reprises. Très vite, dans quelques jours peut-être, va se poser la question de la méthode à utiliser pour faire reculer l'insécurité. Le succès a rendu M. Sharon beaucoup plus prudent qu'avant son élection, mais les voix se multiplient en Israël pour une intervention militaire à l'intérieur des territoires dévolus aux Palestiniens. Une décision de cet ordre risque de faire éclater la coalition. Il est peu probable que le ministre des Affaires étrangères, Shimon Peres, s'y associe. Le départ des travaillistes du gouvernement priverait M. Sharon de sa majorité.
Le Premier ministre pourrait donc être mis en minorité avant même d'avoir tenté de renouer le dialogue avec les Palestiniens. En revanche, il sera sur un terrain beaucoup plus solide si, fort de sa réputation de fermeté, il reprend à son compte les principales propositions que la gauche israélienne avait faites à Yasser Arafat. C'est même, pour lui, le seul moyen de dépasser l'écueil de la sécurité.
Toutes les forces israéliennes sont en état d'alerte permanent. Il n'est donc pas question, pour M. Sharon, de ne pas combattre l'intifada. Mais s'il reconnaît et explique à ses concitoyens que la sécurité à long terme passe par la négociation, ils l'écouteront, et les partis, même les plus à droite de la coalition, le soutiendront.
Il y a donc en définitive beaucoup d'hypothèses qui dépendent de son comportement personnel. On admettra que la métamorphose du provocateur du mont du Temple en négociateur de paix relèverait du miracle. Mais une aventure militaire dans les territoires serait une folie à la fois tactique et politique. D'autant que, parmi les Palestiniens, l'idée d'une intifada non violente commence à faire son chemin. Les batailles engagées par le Fatah et les Tanzim sont parfois critiquées. M. Arafat n'ignore pas qu'il est incapable de gagner une guerre, sauf celle des médias. Les attaques au mortier et à la mitrailleuse, les voitures piégées, les assassinats de civils israéliens lui ont fait perdre son statut de victime aux yeux de l'opinion mondiale et ont permis à l'armée israélienne de procéder à des représailles ciblées contre les combattants du Fatah sans que, cette fois, les médias ne jugent trop sévèrement Israël. On souhaiterait donc que M. Sharon, bien improbable homme de paix, saisisse cette occasion d'offrir de lui une image différente. Et que M. Arafat en fasse autant, si c'est encore possible.
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