« Les médecins sont des témoins privilégiés qui peuvent faire remonter des situations à risque. » Alain Koskas, président de la Fédération 3977, compte sur la profession pour améliorer la détection des maltraitances sur le terrain.
Oui, mais comment faire ? Un colloque organisé au ministère de la Santé a permis en partie de répondre à cette question. Lorsqu’un professionnel, qu’il soit médecin ou non, constate une situation de maltraitance, il est parfois assailli par le doute. Est-ce que dénoncer ces faits ne s’apparente pas à de la délation ? « Dénoncer, signaler, ce sont des verbes qui nous rappellent des périodes troubles de notre histoire », a reconnu en ouverture du colloque le philosophe Fabrice Gzil. C’est pourquoi il leur préfère les termes « alerter » ou « faire remonter », connotés plus positivement.
Le lanceur d’alertes et le secret médical
Autre question qui peut tourmenter le professionnel sur le point de lancer l’alerte : est-ce que je ne vais pas trahir le secret médical ? « Le secret médical tombe lorsque les faits en question constituent des sévices ou des privations », a souligné l’avocat Pierre-Olivier Koubi-Flotte qui a aussi précisé que la levée du secret doit s’appuyer sur « une constatation matérielle, objective, physique ». Muni de sa constatation matérielle, le professionnel n’en a pas fini pour autant. Car faire remonter une situation, surtout dans une institution, cela peut mettre en porte-à-faux avec l'employeur. C’est d’ailleurs pour cela que les protections pour les lanceurs d’alerte ont été renforcées par la récente loi Sapin de 2016. Alors, comment faire pour alerter sans nuire à sa propre carrière ? « La procédure comprend trois étapes », a expliqué l’avocate Céline Fumoleau. « Le salarié doit d’abord prévenir son supérieur hiérarchique. Si dans un délai raisonnable, il n’a pas de réponse, il peut se rapprocher des autorités judiciaires ou des ordres professionnels. Et si aucune suite n’est donnée en trois mois, il peut informer l'opinion publique ». En cas de danger grave et imminent, on peut sauter les deux premières étapes, prévient l’avocate.
Conflits de loyauté
Mais à supposer que le professionnel ait acquis l’assurance que l’alerte n’allait pas mettre en danger sa carrière et que le secret médical doit être levé, il n’est pas encore tiré d’affaire parce qu'il n’est jamais sûr de faire plus de bien que de mal en mettant les maltraitances en lumière. « Les liens sont parfois très compliqués entre le bourreau et la victime », remarquait Alain Koskas. « Les professionnels sont parfois partagés entre la nécessité du signalement et celle de prendre en charge un couple aidant-aidé », notait pour sa part Fabrice Gzil. Il faut donc bien peser les choses avant de lancer l’alerte. Mais sans exagérer. Selon Fabienne Jégu, juriste qui représentait le Défenseur des droits, l’immense majorité des signalements était adressée par des familles. « Les signalements des professionnels sont résiduels », a-t-elle regretté. Il existe donc une marge de progression.
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