« U N site de stockage des farines animales à Fougères ? Non, je ne suis pas au courant de ce projet... » Le Dr Jean-Marc Lerclercq, généraliste dans cette sous-préfecture d'Ille-et-Vilaine tombe des nues. Pourtant, il ne s'agit plus seulement d'un projet, puisqu'un document officiel de la Mission interministérielle pour l'élimination des farines animales, dirigée par le préfet Jean-Paul Proust, précise que ce site, d'une capacité totale de 20 400 tonnes a engrangé, à ce jour, quelque 8 370 tonnes de farines, gardant une capacité disponible pour 12 030 tonnes.
« Il faut bien les mettre quelque part », lâche le médecin, qui ne cache pas qu'il aurait préféré les savoir à Paris. « Cela dit, ils ont fait leur coup en catimini, personne n'en a parlé. Cela n'a rien de surprenant, connaissant leurs méthodes », observe-t-il.
Même surprise, même désappointement chez le Dr Hervé Bertrand qui, comme les cinq associés de son cabinet de groupe n'a eu que « vaguement » vent de « cette histoire ». « Quand on pense que dans une commune toute proche, à Mézière, les gens se battent à coup de manifestations et de pétitions contre un projet d'implantation, chez eux, d'un site de stockage de déchets nucléaires ! Et nous, s'emporte le praticien, nous ne sommes informés de rien, alors même qu'on peut se demander, compte tenu des normes de sécurité employées, si ces farines ne font pas encourir un risque supérieur aux populations riveraines en termes de santé publique. Evidemment, les pouvoirs publics ont verrouillé tout risque de psychose dans l'opinion en nous maintenant dans une ignorance totale. Ce qu'on appelle enterrer un problème ! »
Une quinzaine de sites sont déjà ouverts (voir encadré). La stratégie de black-out de l'information est-elle spécifique à celui de Fougères ? Apparemment non, si l'on en juge par d'autres réactions recueillies auprès de médecins exerçant à proximité du site de Châtillon-sur-Thouet, dans les Deux-Sèvres, le plus important en service, avec une capacité totale de 87 000 tonnes, et 40 000 tonnes déjà stockées.
Ainsi, le Dr Alain Sandret. Il est au courant d'un projet, mais ignore que le site est déjà en cours d'exploitation. « Le site est installé dans un entrepôt qui avait été construit récemment, à l'origine destiné à une entreprise de transport. » Le Dr Sandret pense qu'il est « aux normes » : à l'écart des habitations, en bordure d'une voie express, éloigné des sources d'eau et des nappes phréatiques, avec un bassin de rétention aménagé pour parer à tout risque de fuite. Mais, quand on lui demande s'il a reçu une information quelconque sur les normes en vigueur pour le stockage des farines, le Dr Sandret est obligé d'admettre - et de déplorer - que non. « Ici, personne n'en parle », constate-t-il.
C'est là tout le problème, pour le Dr Henri Paistel, généraliste également, installé à Noyal-Pontivy, dans le Morbihan. La commune limitrophe de Saint-Gérand a « gagné » un site de stockage d'une capacité de 10 000 tonnes. « Je ne saurais vous dire où exactement il est installé. C'est à moins de dix kilomètres de mon cabinet. Mais je n'ai été consulté par personne. Visiblement, il y a une volonté des responsables d'imposer un black-out sur la question, de peur d'avoir à faire face à une psychose du public. »
Et si cette stratégie constituait la meilleure manière de la déclencher, cette psychose, plus tardive, mais plus violente aussi ?
Les sites de stockage
15 sites sont déjà opérationnels :
- dans l'Ouest, Plestan-Cooperl, Lanjouan-Cooperl, Lanrodec-Danno, Berrien-Riou, Fougères-Gelin, Cérégrain-Montoire, Stocaloire, Saint-Saturnin du Limet, Locmmé, Guidel-Jaouen, St-Gérand ;
- dans le Sud-Ouest, Châtillon sur-Thouet (2 sites)
- dans l'Est : Strasbourg (2 sites) ;
- dans le Loiret : Sainte-Geneviève-des-Bois (farine de plumes).
5 autres sites sont en cours de concertation : Somsois (Marne), Arengosse (Landes), Cintheaux (Calvados), Saint-Dier d'Auvergne (Puy-de-Dôme), Quincieux (Rhône).
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