CONGRES HEBDO
L'adolescent, soucieux d'indépendance, d'affirmation de soi et de structuration par rapport aux adultes, est favorable aux expériences, dont le tabagisme fait partie, d'autant qu'il est très valorisé par les images publicitaires. Le Dr Larzul explique qu'une enquête récente, effectuée dans les établissements scolaires de la région, a montré qu' « environ 10 % des élèves de sixième sont des fumeurs réguliers, ce qui à cet âge correspond à une consommation de plus de 2-3 cigarettes tous les jours ; certains de ces jeunes vont devenir dépendants à la nicotine très rapidement, en quelques semaines ».
En France, compte-tenu du fait qu'environ un tiers de la population globale est fumeur (toutes tranches d'âges confondues), les complications liées au tabagisme sont d'une fréquence considérable : plus de 60 000 décès par an (six fois plus que les morts par accidents de la route), dont 25 000 morts dues au cancer bronchique. Il est urgent de s'attaquer au problème complexe du tabagisme chez l'adolescent car, selon le Dr Larzul, « le meilleur moyen d'arrêter de fumer, c'est de ne pas commencer ».
Les motivations des très jeunes
Les questionnaires proposés aux collégiens ont mis en lumière les principales motivations qui conduisent les très jeunes adolescents à fumer « car, à cet âge, il n'y a pas de cigarette-plaisir », précise le Dr Larzul. En effet, pour le jeune adolescent, fumer une cigarette est un moment assez désagréable (avec des quintes de toux..) et il décrit très souvent, spontanément, le caractère « négatif » et néfaste de ce comportement. Le tabagisme passif à la maison semble être un facteur favorisant important, mais ce qui semble plus déterminant, c'est l'exemple des parents : si la mère est une fumeuse régulière, le risque de voir l'adolescent débuter un tabagisme est plus élevé que s'il s'agit de son père.
Les adolescents interrogés ont insisté sur le rôle très incitateur des affiches publicitaires et ont confirmé l'importance de la pression surajoutée de la bande de copains fumeurs. Il semble d'ailleurs que l'image attractive attachée aux fumeurs ait un impact différent selon le sexe, car actuellement la proportion globale des filles qui fument s'élève progressivement (à Quimper, en classe de seconde, la proportion des fumeurs est de 60 % parmi les jeunes filles et de 30 % chez les garçons). Mais l'enquête s'est accompagnée d'un point positif essentiel : les directions des établissements scolaires ont demandé des informations sur le sevrage tabagique aux spécialistes de pneumologie pour la première fois cette année.
Moyens de sevrage, personnes et structures
Le Dr Larzul insiste sur les moyens à mettre en uvre pour lutter contre le tabagisme précoce, moyens qui découlent des données exprimées : face à ce problème numéro un de santé publique, il faut effectuer une mobilisation préventive générale de tous les acteurs de l'éducation, la responsabilité prépondérante revenant à la mère, très tôt, avant l'adolescence. Par ailleurs, le milieu scolaire peut jouer un rôle très important par sa mission de médecine préventive, grâce aux infirmières et au médecin scolaire, toujours très impliqués dans les domaines de la santé et l'hygiène de vie. De même, les autres personnes ayant un rôle pédagogique doivent également informer aussi bien les enseignants, éducateurs, animateurs sportifs, que les pharmaciens au contact de sujets sains, dans le cadre de cette action préventive globale. Celle-ci doit viser préférentiellement les jeunes filles et les femmes, par exemple lors des consultations de gynécologie.
Chez une personne fumeuse, non malade, le seul fait de dire : « Vous fumez, un jour vous serez obligé(e) d'arrêter » constitue un moyen efficace, aussi efficace que le sevrage tabagique et les autres méthodes réunies. Ce « conseil minimal » est à étendre au maximum, à tous les intervenants, puisqu'il est hors de question de culpabiliser les fumeurs, résignés le plus souvent à leur habitude (à ce sujet, il est intéressant de noter que chez un adulte fumeur régulier de 20 cigarettes par jour, seules 3-4 sont vraiment fumées par plaisir).
D'après le Dr Larzul, les consultations spécialisées dans le sevrage tabagique ne drainent pas suffisamment de personnes, et les subventions qui leur sont allouées (par l'agence régionale de l'hospitalisation) sont très inférieures à ce qu'elles devraient être pour une action efficace. Il est indispensable que les pouvoirs publics débloquent des fonds supplémentaires pour lutter contre le tabagisme et que les autorités de santé l'envisagent comme une éradication, avec les mesures suivantes :
- supprimer toute promotion publicitaire du tabac, directe et indirecte (par exemple, son usage ou sa citation dans les films, les émissions de sports... à l'origine d'une influence très forte sur les jeunes adolescents), comme le stipule la loi Evin ;
- faire respecter l'interdiction de fumer dans les lieux publics : les collèges et les hôpitaux sont, actuellement, des endroits où l'exclusion de cet usage n'est absolument pas respectée. Par ailleurs, dans certains cas, après concertation, on pourrait prendre des mesures progressives afin de trouver un accord sur les endroits où fumer est possible. Le Comité national des maladies respiratoires propose une charte « Ecole sans tabac » comportant un règlement parfaitement réalisable par tous.
D'après un entretien avec le Dr Jean-Jacques Larzul, département de pneumologie, CH de Cornouaille, Quimper.
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