Prévention des hémorragies du post-partum

Traap ne signe pas la fin de l’acide tranexamique en France

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Publié le 28/06/2018
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tranexamique

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Crédit photo : PHANIE

L’acide tranexamique (ATX) est un agent antifibrinolytique couramment utilisé pour prévenir et traiter les hémorragies en chirurgie et en traumatologie. En obstétrique, son efficacité a été récemment montrée par l’étude Woman (World Maternal Antifibrinolytic Trial), sur plus de 20 000 patientes ayant une hémorragie du post-partum (HPP), dans 21 pays en voie de développement. Utilisé dans les trois heures suivant le diagnostic d’HPP, l’acide tranexamique (1 g par voie intraveineuse) réduit de près de 30 % la mortalité maternelle par hémorragie, sans augmenter les effets secondaires. L’OMS a donc recommandé son utilisation dans la prise en charge de l’HPP.

« Ces résultats ont été obtenus dans des pays en voie de développement, où le taux de mortalité est au départ élevé (2,4 %), il y a donc un problème sur la validité externe de ces résultats pour des pays dont l’organisation sanitaire diffère (pays dits développés). Cependant, la majorité des centres en France ont inclus l’acide tranexamique dans la prise en charge de l’hémorragie du post-partum. En préventif, des essais ont déjà été menés, mais le nombre insuffisant de patientes incluses et la méthodologie employée empêchent de conclure », déclare le Pr Loïc Sentilhes (Bordeaux).

Des intérêts secondaires

C’est dans ce contexte qu’a été réalisée l’étude prospective multicentrique Traap (Tranexamic acid for preventing post-partum haemorrhage following a vaginal delivery), avec plus de 4 000 femmes en France. Son objectif principal était d’évaluer l’efficacité d’une faible dose d’ATX (1 g) délivrée dans les suites immédiates d’une naissance par voie vaginale pour réduire l’incidence de l’HPP (définie par une perte sanguine, mesurée à l’aide d’un sac de recueil, de 500 ml ou plus) par rapport au placebo.

« La réduction observée d’HPP dans le bras ATX, en comparaison avec le bras placebo, n’était pas statistiquement significative (p = 0,07). En revanche, concernant les deux critères de jugement secondaires pragmatiques (diagnostic d’HPP par le clinicien et utilisation supplémentaire d’un utérotonique pour hémorragie), les résultats sont positifs (p < 0,05) », souligne le Pr Sentilhes.

Les critères de jugement secondaires relatifs à la perte sanguine étaient la perte sanguine moyenne à 15 minutes de la naissance, la perte sanguine totale moyenne, l’incidence des HPP sévères (pertes ≥ 1 000 ml), celle des embolisations artérielles et des chirurgies en urgence, celle des transfusions post-partum, et la proportion de patientes nécessitant un traitement utérotonique curatif supplémentaire. Il n’y a pas eu de différence dans les deux groupes sur ces critères – mais l’étude n’avait pas pour objet d’en trouver.

« Dans le sous-groupe à risque, composées de femmes ayant subi extraction instrumentale (ventouse, forceps) et épisiotomie, il y a eu moins de saignements de 500 ml ou plus avec l'ATX, poursuit le Pr Sentilhes. Les femmes ont été suivies à 3 mois de leur accouchement, et il n’y a pas eu d’augmentation du risque thromboembolique, ce qui est très rassurant. Les principaux effets secondaires observés étaient les nausées et les vomissements (risque multiplié par deux). En conclusion, même si cet essai est négatif sur le critère de jugement principal, l’examen des critères secondaires et des analyses en sous-groupe montre que l’acide tranexamique pourrait avoir un intérêt en préventif pour réduire les pertes sanguines après un accouchement. »

exergue : Lutter contre les pertes sanguines, et plus particulièrement contre l’hémorragie du post-partum, est une priorité.

Entretien avec le Pr Loïc Sentilhes, chef du service de gynécologie-obstétrique au CHU de Bordeaux

Dr Christine Fallet
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Source : Bilan Spécialiste