L ES acteurs des 16 centres de soins spécialisés en toxicomanie (CSST) réunis à Nantes aujourd'hui à l'initiative de leurs collègues des Pays de la Loire (1), souffrent de l'indigence de leurs moyens de travail. Le CSST du CHU nantais, créé en 1989, illustre à lui seul l'existence précaire de ces ex-antennes Toxicomanies en milieu carcéral.
Certes, la tâche est lourde, puisque chaque année près de 20 000 entrants en prison rencontrent des difficultés liées au multi-usage de produits associés psycho-actifs, licites ou illicites (2). Au centre pénitentiaire de la préfecture de Loire-Atlantique, 250 des 1 000 détenus (condamnés et prévenus, hommes et femmes), qui se retrouvent derrière les barreaux en un an, sont touchés. Pour l'essentiel, il s'agit d'hommes qui ne sont pas « condamnés » pour infraction à la législation sur les stupéfiants, mais de polytoxicomanes ayant commis des délits divers. D'ailleurs, bien que l'usager simple passe rarement par la prison, il faut admettre que, pour le seul motif de toxicomanie, « tout toxicodépendant est condamné, quasiment, à la délinquance », fait remarquer le Dr Michel Beloncle, psychiatre, chef du service médico-psychologique régional (SMPR)-CSST en milieu pénitentiaire.
Alors, « comment tout couvrir », du dépistage des entrants aux traitements médical (substitution), social et psychologique, avec seulement une assistante sociale et demie, un mi-temps de psychologue et un mi-temps de musicothérapeute, constituant le CSST, doté d'un « budget annexe » indépendant du budget global de l'établissement hospitalier ?
Bien sûr, le praticien hospitalier, psychiatre, du SMPR est impliqué au premier chef, en liaison avec l'antenne Alcoologie de l'hôpital et l'Unité de consultations et de soins en ambulatoire (UCSA) intervenant en prison. Mais cela ne saurait suffire.
Concrètement, la mission est trop vaste. Fini le temps où l'on opposait pathologie mentale et toxicomanie. « Aujourd'hui, souligne le Dr Michel Beloncle, il convient de considérer la comorbidité liée aux poly-addictions » d'un détenu sur quatre, « caractérisée par des troubles majeurs de la personnalité ». « La pathologie psychique la plus fréquente, insiste le psychiatre, est un "état limite", instable,entre psychose et névrose. Le sujet, dépressif par périodes, éprouve de grandes difficultés à prendre en compte la réalité, sans toutefois en être détaché. »
Par ailleurs, si les cas des séropositivité au VIH tendent à régresser, moins de 10 à Nantes, les hépatites B et C sont préoccupantes.
Quoi qu'il en soit, la prise en charge des poly-addictions, même avec des moyens renforcés, ne s'arrête pas aux portes des maisons d'arrêt. Pour le moment, là où elle se fait tant bien que mal, elle s'apparente à un travail de Sisyphe. Il faudrait qu'elle soit relayée automatiquement par des équipes de suivi et, notamment, des services de réinsertion adaptés. « Mais, rappelle, non sans amertume, le Dr Michel Beloncle, il y a encore peu de temps, en France, le budget d'aide aux toxicomanes, incarcérés ou non, était inférieur à celui de la Suisse. »
(1) Tél. 02.40.48.48.58.
(2) En 1999, 77 114 personnes ont été incarcérées (entrants) et, au 1er janvier 2000, les prisons françaises comptaient 51 431 détenus.
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