TSPT, plongée salvatrice pour les victimes du 13 novembre

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Publié le 13/11/2017
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Crédit photo : AFP

Du 18 au 30 novembre, 40 victimes du 13 novembre, en majorité des rescapés du Bataclan, poseront leurs lourdes valises sur l'aile gauche du papillon qu'est la Guadeloupe, à Basse-terre. Encadrés par une équipe de médecins et de scientifiques de l'Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), de l'AP-HM et de l'AP-HP (Paul-Brousse), ces volontaires participeront au projet DivHope : une étude clinique qui doit évaluer les bénéfices de la plongée sur les troubles de stress post-traumatique (TSPT).

L'histoire du projet remonte à 2015. Frédéric Bénéton, polytechnicien, se tourne vers l'équipe du Dr Mathieu Coulange, chef du service de médecine hyperbare du CHU Sainte-marguerite (AP-HM), et vice-président de la société de médecine et de physiologie subaquatiques et hyperbares, à la recherche d'assises scientifiques à son intuition que seule la plongée apaise le stress de son travail d'analyste financier (il est depuis titulaire d'un master 2 de physiologie de la faculté de médecine de Marseille). L'étude DivStress est lancée, avec la collaboration de l'IRBA et l'Unité de recherche UMR MD2 (Aix-Marseille Université et IRBA), plus de 130 sujets (sains) sont inclus. Des plongeurs de l'UCPA Niolon sont comparés à des vacanciers de l'UCPA Sormiou, qui pratiquent le Kayak et l'escalade (afin d'éviter le biais « vacances»), via une batterie de questionnaires psychométriques et l'évaluation de la psychiatre médecin en chef Marion Trousselard, chercheuse en neurophysiologie du Stress à l'IRBA, en début de stage, à la fin du stage, et un mois après.

Les résultats sont en cours de publication. « Ils montrent une diminution significative du niveau de stress perçu, une amélioration globale de l'humeur, et ceci avec un effet rémanent, sur la durée ; on est plus à même de gérer les imprévus après une exposition à la plongée de plusieurs jours », explique au « Quotidien » le Dr Coulange. Une recherche fondamentale chez l'animal est en cours pour comprendre les mécanismes à l'œuvre. « On sait déjà qu'en plongée, la ventilation est proches des techniques de relaxation de sophrologie et de yoga ; l'apesanteur et le phénomène de cocooning doivent aussi avoir des effets positifs », avance le médecin hyperbare. 

Une seconde étude devait évaluer les bénéfices de la plongée chez les sujets exposés à un stress intense et en dernier lieu, à un stress post-traumatique ; mais l'effraction des attentats du 13 novembre bouscule les chercheurs, qui décident de réorienter le projet sur les TSPT et décrochent un financement de la fondation d'aide aux victimes du terrorisme (et le soutien logistique de Beuchat, entreprise marseillaise de matériel sous-marin)

Une pratique en complément des traitements  

Victimes de TSPT, les volontaires recrutés via l'association « Life for Paris » ont été évalués sur le plan de leur aptitude à la plongée (certains ont des traitements lourds ou des blessures physiques) et reçus en entretien individuel par le Dr Trousselard. Une vingtaine d'entre eux bénéficiera de la plongée « améliorée » par des techniques de relaxation sous l'eau (élaborées par le plongeur, sophrologue et coach Vincent Meurice), dans la réserve Cousteau ; le groupe témoin se verra proposer d'autres activités sportives (canyoning, surf, etc.). Tous auront un suivi somatique et psychologique, leurs paramètres physiologiques seront mesurés (variabilité du rythme cardiaque pour voir l'adaptation du système neurovégétatif, par exemple), des réévaluations sont prévues au cours de l'étude et à distance de plusieurs mois.

« On n'en est pas à prescrire de la plongée avec ces techniques de relaxation à des fins thérapeutiques, on ne se substitue pas aux thérapeutiques conventionnelles, mais on cherche à les compléter, voire à intervenir sur échecs thérapeutiques », ajoute le Dr Coulange. Le psychiatre clinicien Lionel Gilbert, de l'hôpital Paul-Brousse, ainsi que la généraliste Dr Loraine Delsol de Bouillante, veilleront notamment à la santé des participants. 

Si les bénéfices de la plongée sont prouvés, en termes de régulation du stress et des émotions, et d'amélioration de la qualité de vie, pas besoin pour autant de prendre un billet pour les Antilles : « Cette activité peut être pratiquée à Marseille ou Paris dans des milieux artificiels », assure le Dr Coulange. Cela sera d'ailleurs proposé aux participants du groupe témoin qui n'auront pu nager au-dessus de la statue du Commandant Cousteau, dormant dans les profondeurs de la réserve naturelle guadeloupéenne. Mais de ce que sait le Dr Coulange, tous les volontaires de l'étude sont motivés par le projet, plongée ou non, « car ils se sentent acteurs de la recherche, au bénéfice du collectif, et non seulement consommateurs de soins ».

Coline Garré

Source : Le Quotidien du médecin: 9618