Indépendamment de l’effet antidépresseur

Un antidépresseur pour doper la mémoire après un AVC

Publié le 04/02/2010
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COMMENT STIMULER la récupération des fonctions cognitives après un accident vasculaire cérébral (AVC) ? Des psychiatres et neurologues de l’université de l’Iowa suggèrent que l’administration précoce d’un antidépresseur, l’escitalopram, pourrait diminuer la morbidité post AVC. L’équipe du Dr Robert Robinson vient de montrer sur près de 130 patients que cet inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS) améliorait les capacités psychiques par rapport au placebo et à la thérapie cognitivo-comportementale, indépendamment de l’effet antidépresseur. Ces effets neurotrophiques pourraient s’exercer au niveau de plusieurs cascades de signalisation, en stimulant les précurseurs des neurones et des cellules gliales, la pousse axonale et le renouvellement de synapses. L’amélioration spécifique de la mémoire visuelle et spatiale pourrait s’expliquer par le rôle bien décrit pour la sérotonine au niveau de la plasticité cérébrale et la neurogenèse de l’hippocampe.

Batterie de tests neuro-psychologiques.

Entre juillet 2003 et octobre 2007, les chercheurs de l’Iowa ont ainsi inclus 129 patients dans les trois mois suivants la survenue d’un AVC ischémique ou hémorragique pour un suivi de 12 mois. Les patients étaient randomisés dans l’un des trois bras de l’étude : groupe escitalopram (n = 43), placebo (n = 45) et groupe thérapie cognitivo-comportementale (n = 41). Les patients étaient âgés de 50 à 90 ans avec une imagerie évoquant un AVC d’un hémisphère, du tronc cérébral ou du cervelet. Étaient exclus les sujets dépressifs (score › 11 sur l’échelle Hamilton), ainsi les patients ayant des troubles sévères neuropsychiques ou présentant une maladie neurodégénérative préexistante. Exclus également les sujets un AVC secondaire à une rupture d’anévrisme, une malformation artério-veineuse ou un processus néoplasique. Le dosage d’escitalopram était adapté à l’âge : 10 mg une fois par jour chez les sujets < 65 ans, 5 mg pour les plus âgés (65 ans). Une batterie de tests neuropsychologiques (Repeatable Battery for the Assessment of Neuropsychological Status, RBANS) a été réalisée, à l’inclusion et en fin d’essai. Cette évaluation de 25-30 minutes concerne 5 domaines : mémoire immédiate, représentation visuo-spatiale, langage, attention et mémoire à long terme.

Le score total RBANS était significativement plus élevé dans le groupe escitalopram, versus placebo et thérapie cognitivo-comportementale, y compris après ajustement sur plusieurs facteurs confondants, en particulier l’âge et le mécanisme de l’AVC. Même s’il n’est pas possible d’extrapoler ces résultats compte-tenu des caractéristiques de la population étudiée (non dépressive, AVC léger à modéré, prise en charge dans une unité spécialisée), les bénéfices attendus sur la prévention des handicaps et de la démence plaident en faveur d’essais cliniques supplémentaires.

Arch Gen Psychiatr, volume 67, numéro 2, février 2010.

Dr IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8701