Ventircule gauche en post-infarctus

Un biomarqueur du remodelage

Publié le 23/07/2010
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DANS LES SUITES de l’infarctus du myocarde, le remodelage ventriculaire gauche (RVG) représente un indicateur puissant à la fois de l’insuffisance ventriculaire gauche et du décès, deux complications redoutées. Physiopathologiquement, on appelle RVG les modifications géométriques et fonctionnelles du ventricule gauche qui surviennent à la suite de l’infarctus, quand il est suffisamment étendu. Et le RVG évolue ensuite progressivement vers l’insuffisance ventriculaire gauche. En pratique clinique, le RVG qui n’existe pas en association à tous les infarctus, est difficile à prévoir.

L’équipe d’Emilie Dubois, Florence Pinet et coll. (Institut Pasteur de Lille, Inserm U 744, « Santé publique et épidémiologie moléculaire des maladies liées au vieillissement »), a recherché un marqueur biologique du RVG. Ils se sont fondés sur les possibilités données par les technologies de pointe, qui permettent l’examen du protéome et des altérations des expressions protéiques.

L’équilibre entre les kinases et les phosphatases.

Certains états pathologiques et notamment des maladies cardiovasculaires, peuvent s’accompagner de dérégulations de la phosphorylation. Par exemple, des études ont montré que l’équilibre entre les kinases et les phosphatases, qui cordonnent la phosphorylation des protéines de la contractilité du cardiomyocyte, est rompu dans l’insuffisance cardiaque. L’altération de la phosphorylation des protéines contractiles contribuant au défaut de fonction de la pompe cardiaque.

Les chercheurs français ont utilisé un modèle animal d’insuffisance cardiaque (un modèle d’infarctus du myocarde chez le rat, où l’induction d’un infarctus antérieur entraîne un RVG et une insuffisance cardiaque) et les technologies dites « phosphoprotéomiques » pour mettre en relation des profils de phosphorylation avec l’étendue du RVG.

Emilie Dubois et coll. se sont focalisés sur la troponine T car « la troponine T totale circulante est un biomarqueur établi des dommages myocardiques ; ses taux plasmatiques ont des implications pronostiques dans l’infarctus du myocarde et l’insuffisance cardiaque. » Ils ont ainsi découvert que le remodelage est associé à une réduction de la troponine T phosphorylée à la fois plasmatique et myocardique.

La poursuite de cette recherche a consisté à vérifier ces observations chez des patients. À cette fin, des anticorps polyclonaux spécifiques qui reconnaissent la troponine T phosphorylée murine et humaine ont été mis au point. Ils ont été testés chez 91 patients ayant souffert d’un infarctus et faisant partie d’une cohorte nommée « REVE » (REmodelage VEntriculaire). On a réalisé une analyse du plasma prélevé dans la première semaine après l’infarctus. On a comparé les chiffres avec l’ampleur du remodelage un an an plus tard (remodelage faible, intermédiaire ou important).

« Nous avons observé une réduction significative de la troponine T phosphorylée ainsi que du rapport troponine T phosphorylée/troponine T totale chez les personnes ayant un remodelage élevé ou intermédiaire. » Plus le patient présente un fort RVG, plus le niveau de phosphorylation observé est faible.

Les différences sont restées statistiquement significatives après ajustement pour les autres déterminants du RVG.

Troponine T phosphorylée circulante.

Les chercheurs posent maintenant l’hypothèse que le niveau de troponine T phosphorylée circulante pourrait constituer un nouveau biomarqueur aidant à augurer d’un RVG important dans le post-infarctus, et qui pourrait être utilisable en clinique.

Un brevet a été déposé avec Inserm-Transfert. Maintenant, il importe de confirmer ces résultats dans une cohorte de patients. On pourra chercher aussi à savoir si ce paramètre permet d’aider au pronostic de sévérité dans l’insuffisance cardiaque. Si cela se confirmait, les cliniciens disposeraient d’une méthode non invasive et peu onéreuse pour évaluer l’échelle de risque dans le post-infarctus ou l’insuffisance cardiaque, soulignent les auteurs.

European Heart Journal, 26 avril 2010.

Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8760