« On a connu, de 2010 à 2012, le meilleur taux de participation au dépistage organisé du cancer du sein chez les femmes de 50 à 74 ans, de 53 %. Cette année, on est repassé sous la barre des 50 % », déplore la Dr Brigitte Séradour, radiologue à Marseille. Pour la première fois, l’Assurance-maladie a également recensé pour cette même tranche d’âge le nombre de dépistage individuel. Ces données, qui seront présentées lors des 40es Journées de la SFSPM du 7 au 9 novembre à Avignon, confirment une baisse globale des mammographies réalisées, surtout hors programme du dépistage organisé (DO). « Il y a une moindre confiance des femmes dans la prévention », constate la Dr Séradour. De plus, la régionalisation du DO prévue en janvier 2019 laisse craindre une perte de proximité risquant d’aggraver cette tendance.
Des disparités géographiques et liées à l’âge
Une étude de Santé publique France parue au mois d’août, portant sur 4,8 millions de personnes, a révélé une grande hétérogénéité du DO entre les départements. À Paris, le taux de participation n’est que de 27 %, alors qu’il atteint 62 % en Indre-et-Loire. Pourquoi de telles disparités ? Selon une étude auprès de 36 209 municipalités, le dépistage individuel, fort développé dans les communes très médicalisées et les grands centres urbains, jouerait un rôle important, alors que l’influence de l’indice de défavorisation matérielle et sociale serait minime.
« Les femmes de plus de 70 ans sont les seules dont la participation augmente chaque année », relève la Dr Séradour. Cela se traduit dans les faits par davantage de cancers de petite taille dépistés chez ces femmes, ce qui démontre l’efficacité du DO. Une étude allemande parue cette année, comparant des patientes atteintes d’un cancer du sein ayant participé au DO à d’autres ne l’ayant pas fait, confirme cette observation (1). Réalisée sur 1 561 femmes, elle retrouve davantage de cancers de petite taille en cas d’adhésion au DO (74 % de tumeurs inférieures à 2 cm vs 55 %), un moindre recours à la mastectomie (25 % vs 35 %) et à la chimiothérapie (46 % vs 52 %). « Pour les lésions de petite taille, le pronostic et les taux de survie, autour de 90 %, sont nettement meilleurs », insiste le Dr Bruno Cutuli, oncologue à Reims et président de la SFSPM.
En somme, « le dépistage n’est pas parfait, mais on n’a pas trouvé mieux », justifie la Dr Séradour. Mais quelles sont les perspectives d’amélioration ?
Dépistage ciblé et nouvelles technologies
À partir de 2019, le projet européen de dépistage ciblé MyPeBS (My Personal Breast cancer Screening) inclura, dans une quinzaine de départements, 20 000 françaises de 40 à 74 ans. Stratifié en fonction des facteurs de risque, il ajoutera aux risques familiaux la densité mammaire et le génotypage (via l’analyse de la salive). Il proposera une mammographie tous les 4 ans aux femmes à bas risque, tous les 2 ans à celles à risque intermédiaire et tous les ans à celles à haut risque. « Parmi les femmes de plus de 50 ans venant au DO, une partie sera randomisée selon le programme normal et une partie aura un dépistage en fonction du calcul de risques », explicite la Dr Séradour. Au final seront comparées les tailles des cancers des femmes dépistées classiquement tous les 2 ans, selon le programme de DO actuel, et de celles ayant suivi un dépistage ciblé. Résultats dans 8 ou 10 ans…
Une autre voie d’amélioration repose sur les nouvelles technologies de radiologie. En effet, avec environ 500 machines réparties en France, la tomosynthèse se développe. « Cette technique 3D permet de dissocier l’épaisseur et de voir ce qui se passe en profondeur, sans superpositions », explique la Dr Séradour. Permettant de limiter les faux positifs et d’améliorer le diagnostic, la tomosynthèse, irradiante, manque néanmoins de contrôle qualité et de protocole précis. « La HAS a commencé le travail, et on devrait avoir une meilleure visibilité en 2019 », avance la radiologue.
Outre le forum sur le dépistage, les 40es Journées de la SFSPM seront aussi consacrées à l’optimisation du parcours de soins. Aux différents niveaux de la prise en charge, « nous avons demandé à chaque intervenant d’identifier les points de rupture potentiels de la fluidité et de proposer des améliorations du parcours », annonce le Dr Daniel Serin, oncologue à Avignon. Si les nouvelles infirmières de pratique avancée permettront de renforcer la coordination, d’autres pistes restent à explorer… Rendez-vous à Avignon du 7 au 9 novembre.
D’après la conférence de presse de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire (SFSPM), le 25 septembre 2018. (1) Braun B et al. Differences in Breast Cancer Characteristics by Mammography Screening Participation or Non-Participation. Dtsch Arztebl Int. 2018 Aug 6;115(31-32):520-527. www.aerzteblatt.de/int/archive/article?id=199287&src=search
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