Cet ouvrage est d’abord un geste politique. Et témoigne d’une volonté forte, à savoir ouvrir le soin à toutes les pratiques et refuser aussi dans ce domaine les guerres de religion. Peut-on aujourd’hui être contre ce que les coordinateurs de cet ouvrage appellent les médecines complémentaires et alternatives (MCA) ? La France accuse un sérieux retard. L’OMS, explique l’un des contributeurs, le Pr David Spiegel (Université de Stanford, États-Unis) distingue trois groupes de pays. Dans le premier cercle dit intégratif (Chine, Vietnam), ces médecines non conventionnelles sont reconnues et intégrées. Dans le second cercle, elles sont reconnues sans être intégrées (Canada, Royaume-Uni). Dans le troisième cercle (France), elles sont seulement tolérées, voire exclues, comme l’a illustré récemment le déremboursement des médicaments homéopathiques à la suite de l’avis de la HAS. À la différence d’autres pays, alors que le parlement européen en 1997 a adopté une résolution appelant à une harmonisation des politiques, le sujet ici fait pour le moins débat. L’Hexagone, sur cette question comme dans d’autres thématiques sociales et politiques, serait coupé en deux, diagnostique le sociologue Serge Guérin, avec une réelle fracture entre les citoyens plutôt favorables à ces médecines et les médecins encore à convaincre, fracture encore entre des pratiques qui défendent des valeurs et la science reposant sur des preuves, signale le Dr Philippe Denormandie. Mais en dépit de ce constat, les coordinateurs abattent leurs cartes avec courage et appellent à une véritable intégration. On aurait toutefois aimé que des contradicteurs s’invitent à cette réflexion. Et échangent leurs arguments. Certes, la dérive sectaire de certaines pratiques est largement évoquée. Mais les pour sont largement plus nombreux que les contre. Pour autant, cette synthèse pluridisciplinaire marque une étape décisive. Désormais, l’enjeu politique est clairement défini. Sera-t-il saisi comme une nouvelle illustration du clivage entre progressistes et conservateurs ? Un danger ne doit toutefois pas être écarté. Véronique Suissa pointe le besoin de spiritualité évoqué par de nombreux patients auquel répondent les MCA. Le syncrétisme spirituel est-il toutefois un garde-fou suffisant pour éviter là d’ouvrir une boîte de Pandore aux effets non désirés ? Ne faudrait-il pas déployer plutôt à large échelle par tous les soignants une réelle empathie envers des patients souffrants ? Rappelons l’héritage d’Hippocrate qui a permis la naissance de la médecine à la suite de sa séparation d’avec la religion et la philosophie.
Médecines complémentaires et alternatives pour ou contre ? Sous la direction de Véronique Suissa, Serge Guerin et le Dr Philippe Denormandie. Ed Michalon, 424 pp., 24 euros.
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