Asthme avant et pendant une grossesse

Un impact sur la fertilité…

Publié le 04/05/2015
Article réservé aux abonnés
La prévalence de l’asthme chez les femmes enceintes est de l’ordre de 4 à 12 %

La prévalence de l’asthme chez les femmes enceintes est de l’ordre de 4 à 12 %
Crédit photo : PHANIE

La prévalence de l’asthme chez les femmes enceintes est de l’ordre de 4 à 12 % selon les pays et ne fait qu’augmenter (1). L’asthme est par ailleurs la comorbidité la plus fréquente chez les femmes enceintes. Son risque essentiel pour la mère comme pour le fœtus est le sous-traitement éventuel et le non-contrôle de l’asthme pendant la grossesse.

L’aggravation éventuelle s’explique avant tout par un arrêt ou une insuffisance de traitement par peur des effets secondaires, d’une tératogénicité ou d’une fœtotoxicité. Alors que l’asthme convenablement traité n’a pas de conséquence sur le déroulement de la grossesse, mal contrôlé, il peut être responsable d’un petit poids de naissance, d’une prématurité voire d’une mort fœtale (2).

De l’asthme à l’infertilité.

Si l’importance du traitement et du bon contrôle de la maladie asthmatique tout au long de la grossesse est un fait bien établi, la présence d’un asthme pourrait également avoir un impact sur la fertilité des femmes. C’est ce qu’a montré une étude danoise publiée très récemment, en 2014, qui a permis d’établir un lien entre l’asthme et le retard à l’apparition d’une grossesse (3). Les auteurs ont analysé des données sur l’asthme et la fertilité recueillies par le moyen d’un questionnaire auprès d’une cohorte de plus de 15 000 sœurs jumelles vivant au Danemark et âgées de moins de 41 ans. Ce travail a montré un allongement du délai de conception chez les asthmatiques, en particulier les femmes qui étaient atteintes d’un asthme modéré à sévère et chez celles qui étaient âgées de plus de 30 ans. Cependant, ce délai peut être abrégé lorsque l’asthme est bien traité, sans toutefois atteindre celui des femmes non asthmatiques. L’inflammation systémique qui caractérise l’asthme pourrait ainsi affecter la fertilité et éventuellement constituer une cible thérapeutique chez les asthmatiques exprimant un désir de grossesse (4).

À l’image du diabète qui doit être parfaitement équilibré en pré-partum, il semble nécessaire d’équilibrer la santé des bronches chez les femmes ayant un désir de grossesse en ne baissant pas la pression thérapeutique et en augmentant l’observance thérapeutique par une information adaptée de la future mère. L’ensemble du corps médical et paramédical, infirmiers, pharmaciens, doivent ainsi être informés de la nécessité de poursuivre le traitement de l’asthme tant en péri-conceptionnel que pendant la grossesse, de trouver le traitement minimal efficace et de maintenir une pression thérapeutique suffisante pour que l’asthme soit bien contrôlé.

Mesure du débit de pointe

Pendant la grossesse, la femme asthmatique doit être attentive aux symptômes classiques de la maladie asthmatique. La mesure du débit expiratoire de pointe devrait être réalisée chez les patientes aussi facilement que leur pression artérielle est mesurée.

Sur le plan thérapeutique, il est essentiel de rassurer les patientes en leur expliquant que les thérapeutiques de l’asthme ont non seulement été bien évaluées en termes de tératogénicité et de fœtotoxicité, mais en soulignant le traitement est bénéfique sur l’évolution favorable de la grossesse et du développement fœtal (2). Les données du Centre de référence sur les agents tératogènes peuvent être consultées utilement par les praticiens et patientes inquiètes (5).

Par précaution, il est recommandé de recourir préférentiellement aux thérapeutiques pour lesquelles le recul est le plus long, bêta-2 agonistes inhalés et les corticoïdes inhalés. Si la patiente était équilibrée avant sa grossesse par l’adjonction d’antileucotriènes, ceux-ci peuvent être poursuivis. Une éventuelle corticothérapie orale peut être poursuivie ou mise en œuvre si nécessaire, en choisissant alors des molécules qui ne passent pas ou peu la barrière placentaire (prednisone, prednisolone). Enfin, les exacerbations et les décompensations doivent impérativement être traitées.

* Service de pneumologie, Hôpital Foch (Suresnes), et Faculté des Sciences de la Santé Simone Veil, Université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Versailles.

(1) Murphy VE, Gibson PG. Asthma in pregnancy. Clin. Chest Med. 2011; 32: 93–110– ix.

(2) Murphy VE, Schatz M. Asthma in pregnancy: a hit for two. Eur Respir Rev 2014; 23: 64–68.

(3) Gade EJ, Thomsen S, Lindenberg S et al. Asthma Affects Time to Pregnancy and Fertility: A Register-Based Twin Study. Eur Respir J 2014;43(4):1077-85.

(4) Juul Gade E, Thomsen SF, Lindenberg S, Backer V. Female asthma has a negative effect on fertility: what is the connection? ISRN Allergy 2014: 131092.

(5) Centre de Référence sur les Agents Tératogènes (CRAT). En ligne : www.lecrat.org/

Dr Gérard Bozet

Source : Le Quotidien du Médecin: 9409