Recommandations européennes sur les syncopes

Un nouvel algorithme pour repérer les patients à haut risque

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Publié le 22/03/2018
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SYNCOPE

SYNCOPE
Crédit photo : PHANIE

La syncope est un événement très courant, environ 50 % de la population connaît au moins un épisode au cours de sa vie.

Dans la majorité des cas, il s'agit d'un simple malaise vagal, causé par une hypoperfusion cérébrale transitoire. Le challenge consiste à ne pas manquer la minorité de patients chez qui une syncope est un signe d'une pathologie cardiaque potentiellement mortelle : arythmie, embolie pulmonaire, voire un syndrome de Brugada.

Les nouvelles recommandations de la société européenne de cardiologie (ESC) sur les syncopes, présentées les 19 et 20 mars lors du congrès de l'association européenne de rythmologie (EGRA), proposent un nouvel algorithme destiné à la différenciation des patients à faible et à fort risque. « Ces recommandations sont les plus pluridisciplinaires que nous ayons jamais eu à écrire », estime le Pr Michele Brignole, directeur du service de cardiologie de l'hôpital Tigullio à Lavagna, en Italie, qui a dirigé la task force à l'origine des recommandations. Sur les 16 auteurs, seulement 7 sont cardiologues. Le groupe comprend également 2 urgentistes, 2 neurologues, 2 gériatres, 2 spécialistes en médecine physique et 1 infirmière.

Les 3 questions de base

La première étape consiste à vérifier qu'il s'agit bien d'une syncope, c’est-à-dire d'une perte de conscience transitoire. « Le praticien doit poser 3 questions : le patient est-il amnésique ? Les patients était-il réellement inconscient ? Y a-t-il eu perte de contrôle moteur ? énumère Gerard Von Clift, professeur en neurophysiologie clinique à l'université de Leiden. Si la réponse à toutes ces questions est oui, nous avons bien affaire à une syncope. » Autre question importante : la durée de la perte de conscience. En cas de perte prolongée, il peut s'agir d'une intoxication au monoxyde de carbone ou d’une hypoglycémie.

L'ESC propose une série d'examens pour identifier les possibles causes sous jacentes. « Il ne faut pas hésiter à établir l'historique complet, demander les antécédents familiaux, prendre la pression artérielle et faire un électrocardiogramme dès qu'il existe une suspicion de syncope arythmique », explique le Pr Angel Moya, de l'hôpital universitaire du Vall d’Hebron à Barcelone.

Massage sino-carotidien

À titre préventif, les recommandations imposent un massage sino-carotidien aux patients de plus de 40 ans, « mais il est conseillé de le faire à tous les patients, sans distinction », complète le Pr Moya. Les examens préconisés dans le texte dépendent des suspicions identifiées lors de l'entretien clinique : un test d'assise en cas de suspicion de syncope orthostatique, une numération et formule sanguine quand la cause peut être hémorragique, une mesure de la saturation en oxygène s’il peut s’agir d’une hypoxie, un dosage de la troponine si une ischémie cardiaque est envisageable, une recherche de D-dimères pour exclure l’embolie pulmonaire, etc.

Il est recommandé de procéder à un test d’effort chez les patients ayant fait une syncope peu de temps après un exercice physique. « C’est de cette manière qu’il sera possible de repérer un bloc atrioventriculaire », précise le Pr Moya. Une des nouveautés de ces recommandations est le suivi à distance, avec l'usage élargi du moniteur ECG implantable et du monitoring vidéo pour enregistrer les événements spontanés. Un ECG prolongé est en effet conseillé chez les patients qui ont eu plusieurs syncopes non expliquées, car il peut s’agir d’une syncope arythmique. Il est à noter que des patients considérés à faible risque (jeunes et sans antécédent) peuvent aussi avoir un risque d’arythmie.

Dialoguer et apprendre

Plusieurs options de traitement sont proposées. Pour les syncopes réflexes ou orthostatiques, aider le patient à reconnaître les situations déclenchantes. En cas de formes sévères de syncopes réflexes, les traitements envisagés sont la midodrine, ou la fludrocortisone chez les jeunes, les contres mesures (apprendre à s’asseoir en cas de vertige), l'arrêt des traitements hypotenseurs, jusqu'à la pose d’un pacemaker chez les patients âgés avec une forme cardio-inhibitrice.

Concernant les syncopes orthostatiques, les recommandations mettent en avant des conseils sur le style de vie et l’hydratation, ainsi que les moyens de contre-pression comme des bas de contention. Si la syncope a pour origine une tachycardie, les traitements de choix sont l’ablation par cathéter et les traitements médicamenteux contre l’arythmie.

Sur les 113 recommandations, la moitié seulement bénéficie d'un niveau de preuve C et n’est donc pas de simple avis d'experts. « Il existe une faiblesse intrinsèque de la littérature sur les syncopes et un manque d’essais randomisés sur le sujet », explique le Pr Brignole qui espère que davantage de travaux sur les syncopes seront réalisés à l'avenir.

Le texte complet des recommandations est disponible sur le site www.escardio.org. Une présentation vidéo des recommandations est également disponible sur le site http://spo.escardio.org/ (réservé aux membres inscrits).


Source : Le Quotidien du médecin: 9650