Pour la première fois, un patient de 13 ans atteint de drépanocytose sévère est en rémission prolongée grâce à une thérapie génique. Les Français de l'hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP) et de l'Institut Imagine (AP-HP/INSERM/Université Paris Descartes), auteurs de la performance, ont décrit ce cas dans un « brief report » publié mercredi soir dans le « New England Journal of Medicine ».
Le jeune homme a été traité à l'aide de ses propres cellules-souches hématopoïétiques, prélevées puis modifiées à l'aide du vecteur lentiviral BB305 afin qu'elles expriment une version « thérapeutique » de la ß-globine constitutive de l'hémoglobine. Après une chimiothérapie à base de busulfan, destinée à éliminer les cellules-souches hématopoïétiques porteuses de la version du gène de la ß-globine à l'origine de la maladie, le patient a été greffé avec les cellules-souches modifiées.
Finies les transfusions
Avant son traitement, l'état clinique du patient était qualifié de « très sévère », affirme au « Quotidien » le Dr Jean-Antoine Ribeil, du Département de biothérapie de l'hôpital Necker-Enfants Malades et coauteur de l'étude. Ses crises étaient « si fréquentes et douloureuses qu'il avait besoin d'une transfusion programmée une fois par mois ». Après une dernière transfusion réalisée 88 jours après la greffe, le patient est « asymptomatique et bien portant. Nous avons pu arrêter définitivement les transfusions », poursuit le Dr Ribeil. Pour autant, les médecins restent prudents et qualifient son état de « rémission prolongée ».
Ce jeune garçon est représentatif du type de patient qui pourrait, à terme, profiter des progrès de la thérapie génique. « On compte environ 12 000 drépanocytaires en Île-de-France, estime le Dr Ribeil. Entre 10 et 20 % d'entre eux nécessitent un programme transfusionnel régulier car ils ne répondent pas aux traitements par l'hydroxyurée. Tout ce que l'on peut leur proposer est une allogreffe, mais moins d'un quart d'entre eux disposent de donneurs intrafamiliaux compatibles. En tout, environ 1 000 patients pourraient être concernés, rien qu'en Île-de-France », estime le spécialiste.
Au bout de 15 mois, les ß-globines thérapeutiques représentaient 48 % des ß-globines présentes dans le sang du patient, au-dessus de l'objectif de 30 % fixé par les chercheurs. « Ce résultat vient probablement du fait que nous n'avions jusqu'à présent que des données provenant d'expérimentations chez la souris », poursuit le Pr Philippe Leboulch (faculté de médecine de l'université Paris-Sud et université d'Harvard) qui a dirigé la mise au point du vecteur LatoGlogin BB305. « L'expression d'un gène codant pour une hémoglobine humaine est probablement plus forte dans un contexte humain ».
Un vecteur pensé pour les hémopathies héréditaires
Le vecteur LantoGlobin BB305, est conçu pour le traitement de deux hémopathies héréditaires : la bêta thalassémie et la drépanocytose. Il est porteur du gène codant pour ß-globine modifiée dont l'assemblage produit l'hémoglobine HbAT87Q. En plus de ses propriétés habituelles, cette hémoglobine mime celles de l'hémoglobine normalement produite par le fœtus. L'hémoglobine fœtale a en effet la particularité d'inhiber la polymérisation des hémoglobines pathologique HbS.
En 2010, une publication dans la revue « Nature », écrite par le Pr Marina Cavazzana-Calvo (Hôpital Necker-Enfants Malades, qui a codirigé les travaux avec le Pr Leboulch) et ses collègues, montrait qu'un patient atteint de bêta thalassémie, traité à l'aide du facteur BB305, ne requérait plus de transfusion sanguine 21 mois après la greffe.
« Plusieurs essais sont en cours sur la bêta thalassémie et la drépanocytose, en attendant une étude de phase III uniquement sur la bêta thalassémie », précise le Pr Philippe Leboulch qui fait partie du comité scientifique de la firme américaine Bluebird bio constituée pour produire les diverses versions du BB305 à grande échelle. À Necker, dans la foulée des résultats du « New England Journal of Medicine », de nouveaux patients ont été recrutés pour poursuivre l'essai.
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