Action rapide et durable chez le rat

Un stéroïde de synthèse candidat dans la dépression

Publié le 17/01/2012
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Crédit photo : S Toubon

LE MAP4343 (3ß-Methoxy-pregnenolone), qui fait partie des neurostéroïdes découverts par le chercheur français, exerce une activité modulatrice sur la dynamique des microtubules en se liant à la MAP-2 (Microtubule Associated Protein) et en stimulant ainsi l’assemblage des tubulines, que contrôle cette protéine. L’intérêt soulevé par ce produit fait suite à la découverte du rôle potentiel des modifications de l’expression de la MAP-2 de l’hippocampe, et du rapport des isoformes de l’α-tubuline, dans la pathogénie des dépressions. Le profil pharmacologique du MAP4343 objective une absence d’affinité (in vitro) pour les récepteurs de neurotransmetteurs.

Pour évaluer l’action de cette molécule chez l’animal, les Français Massimiliano Bianchi et Etienne-Émile Baulieu (Mapreg SAS, Le Kremlin Bicètre) et ont administré à des rats Sprague-Dawley adulte une injection sous-cutanée unique de MAP4343 à la dose de 4, 10 ou 15 mg/kg, qui a été comparée à l’administration de 10 mg/kg de fluoxétine (FLX, un ISRS de référence) ou d’un placebo. Dans l’épreuve de la nage forcée (FST), on observe une réduction de l’immobilité (un témoin d’action anti-dépressive) à 4 et 10 mg/kg, mais non à 15 mg/kg, par rapport au placebo et de manière semblable à la FLX. Le MAP4343 accroît par ailleurs le comportement de nage, comme la FLX.

L’alpha tubuline.

Mais c’est dans un autre modèle expérimental de la dépression (le Rat Isolation-Rearing Model) que des différences se font jour. La tache de reconnaissance d’objet (NOR), qui explore l’effet sur la mémoire de reconnaissance, révèle la persistance (7 jours durant) de l’action du MAP4343, alors que l’effet de la FLX sur ce critère s’évanouit au fil du temps. Le test EPM (qui évalue l’anxiété des rats) indique qu’alors que la FLX a des effets limités, le MAP4343 démontre une activité anxiolytique rapide et durable (en traitement « sub-chronique » de huit jours). Le MAP4343 réduit également, de façon rapide, l’immobilité (test FST) dans le groupe des rats isolés, ce qui n’est pas le cas avec la FLX.

Enfin, l’expression des isoformes de l’α-tubuline a été étudiée (en Western blot infra-rouge) au niveau de l’hippocampe, de l’amygdale et du cortex préfrontal (PFC). Le traitement des rats par le MAP4343 s’accompagne d’une récupération des isoformes de l’α-tubuline (dans le Rearing Model) au niveau des trois formations cérébrales, y compris en traitement « sub-chronique ». La FLX restaure les isoformes de l’α-tubuline dans l’hippocampe en phase aiguë du traitement, mais non en phase sub-chronique ; il en est de même au niveau du PFC. L’ISRS n’a en revanche aucun effet (en phase aiguë ou sub-chronique de traitement) sur la dynamique des microtubules au niveau de l’amygdale cérébrale.

La famille des neurostéroïdes.

A ce stade de l’évaluation du MAP4343, ce produit de la famille des neurostéroïdes très prometteur ouvre la perspective d’une approche innovante du traitement des dépressions. Non seulement son activité anti-dépressive semble être plus rapide que celle d’un ISRS de référence, mais son effet sur la récupération de la mémoire de reconnaissance est plus durable, sans compter une action anxiolytique supérieure. Ces résultats sont obtenus par une molécule au mécanisme d’action unique : une modulation de la dynamique des microtubules neuronaux. Il est intéressant de noter que le MAP4343 a un effet sur le comportement de nage (dans le test FST), soit une action sérotonergique-dépendante ; or on a récemment suggéré qu’il pouvait exister un lien entre la dynamique des microtubules et la neurotransmission sérotoninergique.

En raison du défaut de biomarqueurs de la dépression, il est nécessaire de confirmer ces résultats dans d’autres modèles animaux, soulignent les Français. Mais E.-E. Baulieu et M. Bianchi précisent aussi qu’ils vont « très prochainement soumettre d’autres résultats, notamment sur les propriétés pharmacologiques précises (du MAP4343), mais aussi sur l’action de ce produit dans d’autres espèces animales ».

M. Bianchi et E.-E. Baulieu. 3ß-Methoxy-pregnenolone (MAP4343) as an innovative therapeutic approach for depressive disorders. Proc Natl Acad Sci USA (2012). Publié en ligne.

 Dr BERNARD GOLFIER

Source : Le Quotidien du Médecin: 9067