LE PRÉSIDENT du Syndicat national des neurologues, le Dr Jean Vrigneaud, ne cache pas son inquiétude. « Aujourd’hui, il y a une volonté très claire du ministère de la Santé, sans doute sous l’impulsion de quelques technocrates, de faire disparaître la médecine spécialisée libérale en France, estime-t-il. Il s’agit d’une stratégie délibérée qui aura des conséquences dramatique sur notre système de santé, qui était pourtant un des plus performants au monde ».
Pour le Dr Vrigneaud, une menace pèse sur les neurologues libéraux, en particulier ceux qui exercent en secteur 1. « En raison des problèmes de démographie, nous sommes tous débordés de travail. Le problème est que nous travaillons pour presque rien. Avec les charges, cela devient de plus en plus compliqué de vivre de son métier de médecin », affirme le Dr Vrigneaud, qui n’a pas manqué de relever les derniers chiffres publiés à la fin du mois d’avril par la Caisse autonome des retraites des médecins de France (CARMF).
Ces statistiques mettent en évidence une baisse de l’ordre de 1 % des bénéfices non commerciaux (BNC) des médecins libéraux pour l’exercice 2009. « Malgré une inflation quasi nulle pour l’année 2009 à 0,1 %, les revenus des médecins libéraux accusent un recul par rapport à l’année 2008, avec une baisse moyenne de 1,11 % pour un BNC moyen tous secteurs confondus qui s’établit à 81 141 euros », souligne la CARMF. Selon cette étude, les généralistes subissent une baisse de 0,85 % de leurs revenus, à 68 987 euros (-0,99 % pour le secteur 1), tandis que les revenus des spécialistes chutent plus fortement de 1,31 %, à 96 804 (-1,93 % pour le secteur 1).
Pour les 532 neurologues libéraux en secteur 1, le BNC s’est élevé à 69 364 euros en 2009, tandis que celui des 238 neurologues du secteur 2 a atteint 83 194 euros. Entre 2008 et 2009, le BNC a baissé de 2,81 % pour les neurologues du secteur 1, tandis que celui des neurologues de secteur 2 a augmenté de 1,31 %. Tous secteurs confondus, la spécialité a vu ses revenus reculer, avec une baisse du BNC de 1,39 %.
Le problème du parcours de soins coordonné.
Aujourd’hui, le tarif de base d’un neurologue de secteur 1 est de 41 euros quand il délivre des soins réguliers à un patient qui lui a été adressé par un médecin traitant. Quand le neurologue est sollicité pour délivrer un avis ponctuel de consultant, le prix de la consultation est de 57,50 euros. « Ces tarifs sont notoirement insuffisants et ne permettent pas au praticien de secteur 1 de s’en sortir, même en travaillant beaucoup », indique le Dr Vrigneaud, qui se montre plutôt critique à propos du parcours de soins coordonné instauré avec la réforme du médecin traitant. « Il faut bien reconnaître que cette réforme, qui a été acceptée par notre syndicat, nous enfonce chaque jour un peu plus. Sur le principe, je ne suis pas opposé à ce qu’on mette un barrage à l’accès direct pour les spécialistes. Mais cela n’est acceptable qu’à la condition que les généralistes jouent le jeu et, qu’au fur à mesure de l’évolution de la maladie, ils adressent leur patient au médecin spécialiste. Le problème est qu’aujourd’hui, certains confrères généralistes sont dans un autre état d’esprit : ils pensent être capables de prendre en charge toutes les pathologies », affirme le Dr Vrigneaud, en constatant que ce problème concerne les spécialités intellectuelles. « Un généraliste ne va bien sûr jamais prétendre être capable de faire de l’obstétrique ou de la chirurgie. Mais il estime être tout à fait capable de suivre des épilepsies ou des maladies de Parkinson, en ignorant la compétence des neurologues dans la gestion des molécules utilisées pour traiter les patients ».
Le Dr Vrigneaud s’inquiète aussi de la cotation de l’acte d’électro- encéphalographie. « Cet acte, aujourd’hui côté à 57,60 euros, n’a aucune chance d’être augmenté. En effet, pour le ministère, il figure parmi les actes perdants qui sont figés et ne peuvent pas évoluer à la hausse. Aujourd’hui, il y un vrai risque que cet acte disparaisse de la nomenclature », souligne le Dr Vrigneaud, qui a récemment adressé un courrier au secrétaire de la Société française de neurologie (SFN) pour l’alerter sur le niveau insuffisant de la cotation de cet acte. « Aujourd’hui, le problème n’est pas syndical. Il est dans les mains des experts qui sont désignés par la SFN. Ce sont eux qui peuvent faire remonter le problème au niveau de la Haute Autorité de santé (HAS) ».
D’après un entretien avec le Dr Jean Vrigneaud, président du Syndicat national des neurologues.
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