Q UE Didier Bezace ait choisi d'inscrire « terminus » dans le titre de ce spectacle est une façon discrète mais insistante de nous rappeler la fin de l'écrivain, à l'hôtel Terminus de la gare Saint-Lazare. L'enfermement, la solitude, la maladie, la folie. Qu'il ait choisi de conserver le principe de la « tournette », le plateau tournant qui avait si bien réussi au « Colonel Oiseau », est une manière de nous donner le tournis et de montrer comment ces personnages sont pris dans un mouvement qui les dépasse, les entraîne, une farandole.
Mais, n'ayez crainte, on ne tourne pas en rond. On s'amuse, on saisit comme jamais l'acidité, la cruauté, l'humour mais aussi la tendresse de Feydeau.
Que Didier Bezace ait également voulu retoucher légèrement les textes (déplacements de répliques, coupes) ne gênera que ceux qui les connaissent tous par cur. Le travail est tout de tact et d'une efficacité digne du meilleur Feydeau. Autre décision essentielle : l'inquiétude, l'étrangeté sont immédiatement perceptibles par la grâce de deux interprètes. Alexandre Aubry, comédien lilliputien, incarne tour à tour - après une apparition qui rappelle Feydeau lui-même -, Joseph, puis Mme Virtuel, la sage-femme de « Léonie est en avance » et Toto, l'enfant terrible de « On purge Bébé » tandis que Corinne Masiero, grande bringue de ch'Nord avec un impayable accent ch'timi, joue les bonnes dans les trois pièces. Comme Aubry et Masiero sont des acteurs fins, le trait n'est jamais forcé, mais il y a comme quelque chose qui serait décollé du réel. Tout Feydeau est là.
Didier Bezace a donc également choisi de faire passer l'idée d'un couple. Elle, lui. Ce qui est intéressant et neuf dans la vision d'ordinaire plus abrupte, plus farce que l'on a de Feydeau, est qu'il nous montre l'amour dans ces couples. Thierry Gibault passe par tous les états contrastés qu'appellent les trois intrigues, de l'angoisse du mari qui voit sa femme sur le point d'accoucher au dépit de l'homme d'affaires qui a cru pouvoir vendre des pots de chambre incassables à toute l'armée française en passant par celui qui a été s'amuser au bal des Quat'zarts et apprend la mort de belle maman... Un festival tout en moirures que Gibault traduit avec une sûreté de trait remarquable. Au passage on croise Jean-Claude Bolle-Reddat, Chantal Trichet, Christiane Collard, excellents.
On sait depuis longtemps la grâce acide, la personnalité forte, le sens de l'intériorité, la subtilité, la délicieuse beauté d'Anouk Grinberg, son charme, son intuition, son intelligence. Mais ici, elle se dépasse, se surpasse. Elle est extraordinairement accordée à la folie profonde de l'univers de Feydeau. Calmement, sûrement, naturellement. Elle est comme ces grandes danseuses dont on a le sentiment qu'elles ont quelque chose d'immatériel tant la perfection des gestes, de la présence, bouleverse. Anouk Grinberg est ainsi. Malicieuse et irréelle, sensuelle et impalpable. Une apparition de l'esprit de Feydeau. Une immense interprète. Et si gaie avec ça !
Théâtre de la Commune d'Aubervilliers, à 20 h 30 du mardi au samedi, à 16 heures le dimanche. Durée : 2 h 45 entracte compris, (01.48.33.93.93), jusqu'au 7 avril.
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