La stimulation hissienne

Une alternative à la stimulation ventriculaire droite

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Publié le 20/04/2018
Pr deharo

Pr deharo
Crédit photo : DR

Depuis son développement en 1958, la stimulation cardiaque a d’abord été épicardique, puis quasi exclusivement endocavitaire depuis les années 70. Cette méthode thérapeutique a révolutionné la prise en charge des bradycardies. Cependant, la stimulation ventriculaire droite conventionnelle expose à une désynchronisation entre les deux ventricules, avec apparition chez certains patients d’une dégradation de la fonction ventriculaire gauche et d’une insuffisance cardiaque. Pour éviter cette désynchronisation, on a donc recours à la resynchronisation biventriculaire, un geste plus lourd, car il requiert une sonde supplémentaire placée dans le sinus coronaire afin de stimuler le ventricule gauche (VG).

Une stimulation plus physiologique, mais une technique plus complexe

« Certains auteurs en sont venus à envisager de n’utiliser qu’une seule sonde ventriculaire droite implantée au niveau du faisceau de His, afin de distribuer l’impulsion simultanément dans les deux ventricules et d’éviter la désynchronisation, une solution plus physiologique que la stimulation ventriculaire droite conventionnelle. Depuis une dizaine d’années, quelques équipes ont commencé à s’intéresser à cette technique, plus délicate que la stimulation standard, puisqu’elle concerne le faisceau de His, que les seuils de stimulation sont un peu plus élevés, et qu’on doit réintervenir un peu plus souvent », explique le Pr Jean-Claude Deharo (hôpital de la Timone, Marseille).

On dispose à ce jour d’études de petite taille, non randomisées, auxquelles vient s'ajouter maintenant le registre Geisinger. Mené en Pennsylvanie au sein du réseau d’hôpitaux du Geisinger Heart Institute, il a comparé dans la vraie vie la stimulation hissienne (SH) à la stimulation ventriculaire droite (SVD) chez un grand nombre de patients (respectivement 332 et 432).

Une réduction de la morbimortalité grâce à la stimulation hissienne

La SH a été réalisée avec succès chez 302 personnes sur 332 (92 %). Après un suivi de 725 ± 423 jours, les événements du critère principal, mortalité, hospitalisation pour IC ou passage à la resynchronisation biventriculaire, sont significativement réduits après SH (25 % vs 32 % ; HR = 0,71 ; p = 0,02). Cette supériorité se manifeste essentiellement lorsque les patients reçoivent au moins 20 % de stimulation ventriculaire (25 % vs 36 % ; HR = 0,65 ; p = 0,02), le bénéfice n’apparaissant pas au-dessous. On constate par ailleurs une diminution des hospitalisations pour insuffisance cardiaque (12,4 % vs 17,6 % ; p = 0,04) et une nette tendance à une baisse de la mortalité globale (17,2 % vs 21,4 % ; p = 0,06).

Par contre, on note un peu plus de réinterventions dans le groupe SH (14 malades sur 332 vs 4 sur 432 pour la SVD). « Cette méthode n’est pas encore arrivée à maturité : elle demande des opérateurs très expérimentés, l’implantation de la sonde étant plus délicate, et, si d’autres études confirmaient les résultats de ce registre, il sera nécessaire d’améliorer nos outils », remarque le cardiologue.

Certes, il ne s’agit pas d’une étude randomisée, mais d’un registre dans lequel SH et SVD ont été réalisées dans deux centres différents, par des équipes distinctes. Cependant, si elles se confirment, ces données pourraient amener à appliquer cette technique à toutes les personnes ayant un bloc auriculoventriculaire permanent et nécessitant une SVD fréquente, pour un coût identique à la stimulation standard, même si la SH ne détrônera pas la resynchronisation, qui gardera d’autres indications.

Actuellement, la SH a surtout été étudiée en Italie et aux États-Unis. En France, on est encore en retrait, mais quelques équipes s’y intéressent.

D’après un entretien avec le Pr Jean-Claude Deharo, cardiologie, rythmologie, hôpital de la Timone (Marseille)
Abdelrahman M., Subzposh F. A., Dominik B.  et al. « Clinical outcomes of his bundle pacing compared to right ventricular pacing », Journal of the American College of Cardiology, mars 2018.
En ligne : www.onlinejacc.org/content/early/2018/03/01/j.jacc.2018.02.048?sso=1&ss…

Sur le site de la SFC : www.cardio-online.fr/Actualites/Depeches/La-stimulation-hisienne-fait-b…

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : lequotidiendumedecin.fr