En remplacement de l'endoscopie avec biopsie

Une capsule-éponge pour dépister l’œsophage de Barrett

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Publié le 31/01/2019
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capsule eponge

capsule eponge
Crédit photo : Stephen Meltzer, M.D

« Nous pensons que cette petite éponge peut procurer un dépistage facile et peu coûteux », s’enthousiasme dans un communiqué le Dr Stephen J. Meltzer, professeur de médecine et d'oncologie à l’université médicale Johns Hopkins à Baltimore (États-Unis). Meltzer et son équipe publient les résultats prometteurs de leur approche dans la revue Clinical Cancer Research.

L’adénocarcinome de l’œsophage, un cancer du bas œsophage, est lié dans la majorité des cas à une complication du reflux gastro-œsophagien. Le reflux chronique peut provoquer le développement d’une métaplasie œsophagienne, appelée œsophage de Barrett ou endobrachyœsophage (EBO). Cette lésion précancéreuse peut évoluer, dans une minorité des cas (0,1 % par an), vers la dysplasie de bas grade, puis la dysplasie de haut grade et enfin vers le cancer. Généralement diagnostiqué au stade tardif, l’adénocarcinome de l’œsophage est de très mauvais pronostic. Une approche moins invasive que l’endoscopie pourrait permettre une détection précoce de l'EBO avant sa transformation maligne.

Une approche prometteuse

Les cellules de l’œsophage sont prélevées avec un nouveau dispositif appelé EsophaCap (Capnostics), déjà homologué par la FDA. Le patient avale une petite capsule-éponge reliée à un fil. Parvenue dans l’estomac (au bout d’une minute), la gélatine encapsulant l’éponge se dissout et l’éponge se déploie ; il suffit alors de tirer lentement sur le fil pour récupérer l’éponge, qui écouvillonne délicatement l’œsophage au passage, recueillant ainsi des cellules de la muqueuse. 

Le prélèvement cellulaire a ensuite été analysé en examinant la méthylation de marqueurs ADN (n = 8) considérés comme étant associés à l’EBO selon les travaux réalisés précédemment par cette équipe, et en utilisant une récente technique de méthylation sur billes (MOB) qui permet de mieux capturer l’ADN. Ils ont mené une étude cas-témoins prospective chez 80 adultes devant subir une endoscopie digestive haute et ayant consenti à avaler au préalable la capsule-éponge.

Sensibilité diagnostique de 79 %

Les chercheurs rapportent avoir développé un modèle basé sur 4 marqueurs (p16, NELL1, AKAP12, TAC1) qui permet de diagnostiquer l’EBO, avec une sensibilité de 94 % et une spécificité de 62 % dans une cohorte d’apprentissage initiale (n = 52 patients) ; sa précision est confirmée dans une cohorte indépendante (n = 28), avec une sensibilité de 79 % et une spécificité de 93 %. 85 % des patients ont pu avaler la capsule, et l’éponge a pu être récupérée dans 100 % des cas. Un EBO a été détecté chez près de la moitié de ces patients, un taux bien plus élevé que dans la population générale, expliqué par le fait que ces patients présentaient des symptômes gastro-intestinaux. Aucun incident ou effet secondaire n’a été constaté.

« L’EsophaCap, associé à un panel de biomarqueurs épigénétiques et à la méthode MOB, représente une stratégie prometteuse, bien tolérée et peu coûteuse pour diagnostiquer l’œsophage de Barrett », concluent les chercheurs. «Il est tout à fait possible de passer à côté de cellules cancéreuses précoces en utilisant l’endoscopie avec biopsie et la plupart des patients ayant un œsophage de Barrett  ne subissent jamais d'endoscopie », souligne le Dr Meltzer.

«À l’heure actuelle, nous sommes convaincus que nous avons les outils nécessaires pour identifier ce type de cancer. Mais nous n'avions pas auparavant de moyen pour recueillir suffisamment de matériel tissulaire afin d’établir en toute confiance le diagnostic chez un patient. Nous estimons qu'EsophaCap résout désormais ce problème. »

Z. Wang et al., Clinical Cancer Research, 10.1158/1078-0432, 2019

Dr véronique Nguyen

Source : Le Quotidien du médecin: 9720