Le neuroblastome est une tumeur pédiatrique du système nerveux sympathique dont l’évolution clinique est extrêmement hétérogène, allant de la régression spontanée à la progression avec une évolution fatale (dans la moitié des cas) malgré un traitement intensif. Les mécanismes moléculaires sous-tendant ces différences sont restés obscurs… jusqu'à présent.
« Dans notre étude, nous démontrons que les évolutions divergentes du neuroblastome dépendent strictement de la présence ou non de mécanismes de maintenance des télomères », explique au “Quotidien” le Pr Matthias Fischer, chercheur en cancérologie pédiatrique à l’hôpital universitaire de Cologne, qui a dirigé l’étude publiée dans la revue Science.
«Les télomères sont des structures spécialisées qui sont situées aux extrémités des chromosomes et sont raccourcies à chaque division cellulaire. Dans les cellules normales, le raccourcissement des télomères entraîne, à un certain seuil, l’arrêt définitif du cycle cellulaire ou la mort cellulaire. Au contraire, les cellules cancéreuses activent des mécanismes qui peuvent maintenir la longueur des télomères et conférer ainsi l'immortalité aux cellules cancéreuses. »
L’équipe du Pr Fischer a séquencé le génome de 416 neuroblastomes non encore traités, et évalué les mécanismes d’entretien des télomères dans 208 de ces tumeurs.
« Nous avons constaté que le neuroblastome à haut risque est caractérisé par la présence de mécanismes d’entretien des télomères (altérations MYCN, TERT, ATRX). Par contraste, le neuroblastome à faible risque, capable de régresser spontanément, ne contient pas de mécanismes de maintenance des télomères ; l’absence consécutive de prolifération illimitée est donc vraisemblablement une condition sine qua non pour une régression spontanée. De plus, nous avons identifié des altérations génomiques dans des gènes de cancer liés aux voies RAS et p53, mais leur pertinence clinique dépend entièrement de la présence ou non de mécanismes de maintenance des télomères : la présence de ces mutations dans ces oncogènes indique l'agressivité tumorale et est prédictive d'un pronostic défavorable pour le patient ; en leur absence, ces mutations n’ont pas d’importance clinique. »
Des implications pour un traitement personnalisé
L’équipe propose ainsi une classification mécanistique des phénotypes cliniques du neuroblastome, pouvant établir le pronostic et améliorer la prise en charge des patients.
« Nos données suggèrent que les patients dont les tumeurs présentent des mécanismes de maintenance des télomères pourraient bénéficier d'une thérapie multimodale intensive. Par contraste, les patients chez lesquels les tumeurs ne présentant pas de mécanismes de maintenance des télomères pourraient au contraire éviter un traitement ou recevoir uniquement un traitement plus limité. « En effet, une régression spontanée survient généralement dans ces derniers cas », estime le Pr Fischer.
« De plus, lorsque les tumeurs présentent à la fois un mécanisme de maintenance des télomères et des mutations des voies RAS ou p53, les patients ont un risque accru de mortalité par cancer avec les protocoles thérapeutiques actuels. Ceci suggère que de nouvelles stratégies thérapeutiques doivent être développées pour ces patients. Or plusieurs composants des voies altérées sont accessibles à des médicaments ciblés, ou pourraient le devenir dans le futur, ce qui plaide pour développer de nouvelles combinaisons thérapeutiques efficaces ».
Confirmation par les études prospectives
L’équipe envisage de conduire des études prospectives pour valider la valeur pronostique de ces données ; ils projettent aussi d’étudier en préclinique des médicaments ciblant les voies altérées.
« De façon générale, notre étude démontre que dans tout cancer humain, l’activation des mécanismes d’entretien des télomères est cruciale pour obtenir une transformation maligne complète et, en leur absence, une régression spontanée peut survenir »., conclut le Pr Fischer. « Ceci souligne l’importance de cibler les mécanismes de maintenance des télomères pour guider la stratégie thérapeutique. »
Dr Véronique Nguyen
S. Ackermann et al., Science, http://science.sciencemag.org/cgi/doi/10.1126/science.aat6768, 2018
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