Une nouvelle piste thérapeutique

Une clé de la dépression dans l’hippocampe

Publié le 20/10/2010
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Crédit photo : S Toubon

« CELA POURRAIT ÊTRE une cause principale des anomalies de signal qui aboutissent à la dépression, ou au moins un facteur contribuant majeur », déclare dans un communiqué le Dr Ronald Duman, professeur de psychiatrie et de pharmacologie à l’université de Yale (New Haven, Connecticut) qui a dirigé ce travail.

La dépression majeure, qui affecte presque 16 % de la population a un moment de la vie, est l’une des maladies neurobiologiques les plus fréquentes et les plus débilitantes.

À ce jour, on ignore quels sont exactement les mécanismes cellulaires et moléculaires qui causent la maladie.

Les études chez les patients dépressifs ont montré des changements d’architecture cellulaire de plusieurs régions cérébrales limbiques, et notamment une atrophie des neurones pyramidaux de l’hippocampe et une réduction du volume de cette région.

Une expression plus que doublée de la MKP-1.

Pour mieux définir les changements moléculaires qui surviennent au cours de la dépression, Duric et coll. ont analysé le profil d’expression génomique du tissu hippocampique post-mortem de 21 patients diagnostiqués avec une dépression majeure, et l’ont comparé à celui de 18 témoins.

Ils ont découvert une expression plus que doublée de la MKP-1 (mitogen-activated protein kinase [MAPK] phosphatase-1) dans les régions hippocampiques étudiées des patients dépressifs, en comparaison des témoins.

La MKP-1, aussi connue comme une phosphatase-1 à double spécificité (DUSP-1, ou dual specificity phosphatase-1), appartient à une famille de protéines qui déphosphorylent les résidus thréonine et tyrosine et, de ce fait, agissent comme un régulateur négatif clé de la cascade MAPK, une voie de signal majeure impliquée dans la plasticité, la fonction et la survie des neurones.

Les chercheurs ont examiné ensuite la MKP-1 dans un modèle rongeur de la dépression - le rat soumis à un stress chronique imprévisible (SCI). L’exposition des rats au stress chronique, qui les amène à avoir des comportements dépressifs, provoque effectivement une augmentation de la MKP-1 dans certaines régions de l’hippocampe ; inversement, l’administration de fluoxétine chez ces rats bloque la survenue des symptômes dépressifs induits par le stress et normalise l’expression de la MKP-1 dans l’hippocampe.

Lorsque les chercheurs transfèrent par vecteur viral (AAV) le gène MKP-1 dans l’hippocampe des rats non stressés, afin d’y élever expérimentalement l’expression de la MKP-1, les rats développent des symptômes dépressifs similaires aux effets du SCI.

Enfin, ils ont pu constater que les souris K. O. dépourvues de MKP-1 sont normales en l’absence de stress et sont résistantes aux symptômes dépressifs induits par le SCI.

Le blocage pharmacologique.

« La résistance au stress observée chez les souris K. O. (MKP-1 -/-) indique que le blocage pharmacologique de MKP-1 pourrait produire une réponse résiliante ou antidépressive au stress, ou majorer la réponse à d’autres classes d’antidépresseurs », déclarent les chercheurs.

« Les phosphatases telles que la MKP-1 sont de puissants régulateurs négatifs du signal intracellulaire, qui représentent de nouvelles cibles thérapeutiques prometteuses pour traiter la dépression et peut-être d’autres troubles de l’humeur. »

Nature Medicine, 17 octobre 2010, Duric et coll., DOI: 10.1038/nm.2219

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 8840