Il y a deux ans, j’ai participé à l’élaboration d’une proposition de loi de référendum d’initiative partagée qui comprenait plusieurs dispositions pour l’hôpital. L’une d’entre elles était consacrée à l’instauration de ratios patients/soignant.
En effet, dans un hôpital, une infirmière peut avoir la charge de quatre patients, ailleurs de douze, voire de quinze. Que diraient les patients si on leur administrait la moitié de la dose de leurs médicaments ? En revanche et de manière surprenante une « demi-dose » de soignant ne provoque aucune réaction de protestation ! Ici, par exemple, chaque infirmière s’occupe de cinq patients. Mais il arrive de plus en plus fréquemment, notamment en cas de tension aux urgences qu’on soit contraint de rouvrir des lits qui étaient fermés, ce qui augmente le nombre de patients par infirmière.
Risque d’erreur médicamenteuse
La situation est davantage critique au sein des hôpitaux périphériques, dans les services de médecine et de chirurgie notamment. Pourtant, la littérature médicale sur cette thématique est foisonnante. Plusieurs études montrent qu’au-delà de 4 patients par infirmière, pour chaque 1 ou 2 patients supplémentaires par infirmière, la probabilité de décès augmente d’environ 10 % mais aussi d’erreur médicamenteuse, d’infection nosocomiale, de chute, etc. Autre conséquence : des ratios inadéquats accroissent la durée moyenne de séjour. Finalement, on observe une dégradation de la satisfaction au travail des soignants, comme en témoignent l’augmentation des arrêts de travail et l’extraordinaire turnover observé actuellement dans les services.
Californie précurseur
La Californie a été précurseur dans le domaine. Ils ont légiféré dans les années quatre-vingt-dix à partir des résultats de cette littérature scientifique. L’application de la mesure a été progressive et cinq ans se sont écoulés entre le vote et la mise en œuvre effective des ratios. Phénomène inattendu au départ, des infirmières originaires d’autres États américains ont choisi de venir travailler en Californie. D’autres États ont suivi, et plus récemment des grèves d’infirmières ont été menées à New York pour réclamer l’instauration de ratios.
Dans d’autres pays comme en Corée du Sud, les pouvoirs publics appliquent des pénalités financières pour les hôpitaux n’appliquant pas les ratios préconisés. En France, des ratios sont appliqués depuis longtemps mais uniquement pour des activités très spécifiques comme les soins intensifs.
Il faut reconnaître que le phénomène a été peu étudié en France. Nous avons initié une étude dans le service d’hématologie qui semble confirmer ces résultats. Pour autant, nous manquons de travaux en économie de la santé sur cette thématique. Cette mesure exige un courage politique. En attendant, comme la loi a été votée par le Sénat, il n’y a pas à craindre de péremption législative même à la fin d’une législature. Elle est systématiquement transmise à l’Assemblée nationale, tant qu’elle n’est pas inscrite à l’ordre du jour d’une session. Légalement, l’initiative est parlementaire, même si nous avions initié la démarche, difficile d’écrire « initiative ». Le mot « quotas » fait vraiment technico-administratif. C’est le mot « ratio » qui a été repris dans la proposition de loi. L’étude n’est pas terminée et pas publiée encore, il faut prendre des pincettes.
* Entretien à retrouver dans notre dernière parution parue lors du congrès Santexpo.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature